Conserver et transmettre la mémoire
Même si les centres de stockage de déchets radioactifs sont conçus pour être sûrs de manière passive une fois fermés et donc ne nécessiter aucune intervention de la part des générations futures, des actions sont engagées afin de transmettre et conserver la mémoire de ces centres pour les siècles, voire les millénaires, à venir.
Pourquoi se souvenir ?
Les déchets radioactifs peuvent présenter un danger pour l’être humain et l’environnement, pour certains sur de longues périodes. Ils doivent par conséquent être isolés dans des installations dédiées, jusqu’à ce que leur activité radiologique ait suffisamment diminué. Toutes ces installations sont conçues pour assurer leur fonction de protection à long terme, une fois fermées, sans qu’il y ait besoin d’une action humaine. On parle de sûreté passive. Néanmoins, préserver la mémoire de ces centres de stockages est une question de responsabilité vis-à-vis des générations futures.
Éviter le plus longtemps possible le risque d’une intrusion involontaire
Tout au long de la décroissance radioactive des déchets, il est souhaitable d’empêcher les intrusions humaines involontaires dans les installations de stockage.
À court terme, dans les premiers siècles après leur fermeture, les évaluations de la performance des stockages supposent que la mémoire soit encore présente : en effet, une intrusion involontaire présenterait des risques pour les personnes exposées au contact des colis de déchets radioactifs et pourrait également dégrader la performance du dispositif de sûreté. Préserver et transmettre la mémoire des stockages, au minimum sur cette période, est de ce fait une exigence.
Ensuite, après quelques centaines d’années, les conséquences sanitaires et environnementales d’une éventuelle intrusion deviennent très limitées. Néanmoins, garder la mémoire des centres de stockage pendant des échelles de temps plus importantes minimiserait encore davantage ces conséquences. C’est pourquoi l’Andra ne s’est pas fixé d’objectif de durée maximale pour la préservation de la mémoire.
Une distinction selon la nature des centres de stockage
Dans les centres de stockage de surface de la Manche et de l’Aube, qui accueillent principalement des déchets à vie courte, la proximité avec ces déchets exclut toute activité humaine - autre que la surveillance en surface des sites - pendant les premiers siècles après leur fermeture, le temps que la radioactivité ait suffisamment diminué et ne présente plus de risques. Au-delà, en cas d’intrusion dans ce qui aura été le stockage, sa conception est telle que la dose de radioactivité intégrée resterait inférieure aux limites fixées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Dans le cas du stockage géologique, la profondeur et la conception du centre sont prévues pour assurer la protection des déchets de façon passive, sans qu’il soit nécessaire de restreindre les activités humaines en surface. Comme les déchets radioactifs sont stockés à 500 mètres de profondeur, l’intrusion est peu probable et suppose le déploiement d’importantes technologies. En revanche, la dangerosité des déchets stockés - très radioactifs - implique qu'un contact pourrait avoir des conséquences plus importantes qu’avec les déchets que l’on retrouve dans les centres de surface.
Éclairer et faciliter les décisions des générations futures
L’objectif est de faciliter les prises de décisions futures concernant cet héritage du passé. Il s’agit de transmettre aux générations futures tous les éléments qui leur permettront, en cas de besoin et en fonction de leur choix de gestion, d’entretenir, de modifier ou d’améliorer les centres de stockage, de comprendre les solutions mises en œuvre, de les réévaluer. C’est en réalité le prolongement d’une démarche de management des connaissances (knowledge management), menée dès la phase de conception des centres, comme c’est le cas pour le projet Cigéo.
Cela consiste ainsi à sélectionner les informations potentiellement utiles pour nos successeurs et de les présenter de telle sorte qu’ils puissent trouver aisément la réponse à leurs besoins.
Transmettre un héritage culturel
Au-delà des enjeux de sûreté, les centres de stockage font partie d’un héritage scientifique et technologique que notre génération transmettra aux suivantes, et qui leur permettra de comprendre les évènements passés, au même titre que d’autres types de patrimoines (architectural, littéraire, artistique, etc.). Les installations de stockage de déchets radioactifs, par leur conception et leur fonction, ont vocation à traverser les siècles. Et les informations sur les déchets radioactifs, leur conditionnement, leur origine et la manière dont ils ont été produits pourront être considérées par nos successeurs comme une source précieuse de connaissances sur l’époque particulière qu’auront été le XXe et le XXIe siècles nucléaires.
La mémoire ne se limite donc pas à collecter des éléments du passé et du présent, elle est fondamentalement tournée vers l’avenir, comme un témoignage culturel de l’époque industrielle qui a produit les déchets.
Ne serait-il pas plus simple d’oublier ?
Il pourrait être tentant d'organiser l'oubli des centre de stockage de déchets radioactifs afin que personne ne puisse y pénétrer dans le futur. Par le passé, certains pays ont déjà envisagé cette piste. Cependant, l'oubli ne peut se décréter et une telle tentative pourrait être contre-productive : si des indices persistaient, leur caractère mystérieux ne ferait qu'aiguiser la curiosité des générations futures. Par ailleurs, l'Andra considère qu'il ne serait pas éthique de décider à quelles connaissances les générations futures peuvent accéder ou non.
Se souvenir pendant combien de temps ?
L’Andra ne se fixe pas d’objectif de durée pour le maintien de la mémoire après fermeture des sites de stockage. Les actions mémorielles sont engagées en vue de maintenir la mémoire le plus longtemps possible.
Toutefois, au-delà des premiers siècles, le maintien de la mémoire n’est pas à considérer comme une nécessité du point de vue de la sûreté.
Pour les centres de surface
La phase de surveillance est prévue aujourd’hui pour durer au moins 300 ans, ce qui garantit une préservation de la mémoire de l’existence du centre sur la même durée. Au-delà, la mémoire sera notamment maintenue par des dispositions administratives (servitudes d’utilité publique, par exemple). La démonstration de sûreté considère l’éventualité d’une intrusion dès la fin de la phase de surveillance, à 300 ans.
Pour le stockage géologique profond et le projet Cigéo
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) estime que les dispositions mises en œuvre permettront raisonnablement de garder la mémoire du stockage pour une durée d’au moins 500 ans, compte tenu du retour d’expérience français en la matière. La démonstration de sûreté de l’installation s’appuie sur les recommandations de l’ASN et considère l’éventualité d’un forage qui interviendrait à 500 ans.
À l’échelle plurimillénaire, la conservation et la transmission de la mémoire pourrait ne pas persister. Les sites de stockage de déchets radioactifs pourraient alors être oubliés.
L’oubli fait partie des scénarios possibles que l’Autorité de sûreté nucléaire demande à l’Andra de prendre en compte. Ainsi, dans leur conception, la sûreté des stockages serait maintenue, même si leur existence était oubliée et que les sociétés futures venaient à construire en surface ou à creuser.
Comment se souvenir ?
Répondre aux impératifs mémoriels des centres de stockage de déchets radioactifs suppose de sélectionner parmi toutes les connaissances et données disponibles celles qui seront les meilleurs témoins de nos actions pour un large public, et celles qui s’avéreront les plus pertinentes pour les exploitants et décideurs du futur.
Cela invite aussi à questionner les supports de transmission et leur résistance au temps. Les archives papier seront- elles encore lisibles dans 500 ans ? Les riverains des sites comprendront-ils encore nos langues et nos symboles dans 1 000 ans ? Quelles civilisations nous succéderont dans 100 000 ans ?
Pour explorer toutes les pistes et imaginer non pas un, mais plusieurs dispositifs de conservation et de transmission de la mémoire, l’Andra a mis en place un vaste programme d’études et de travaux, appelé programme « Mémoire des stockages de déchets radioactifs pour les générations futures ».
Ce programme s’appuie sur quatre piliers : la documentation réglementaire et les archives, les interactions sociétales, les études et recherches, et la collaboration internationale.
Sur la base de son expérience au Centre de stockage de la Manche, l’Andra a développé un dispositif mémoriel de référence qu’elle applique à l’ensemble de ses centres de stockage en l'adaptant à leurs spécificités. Ce dispositif s’est renforcé et enrichi en 2010 pour s’étendre sur une échelle de temps plus longue et constituer le programme Mémoire tel qu’il existe aujourd’hui.
Axe Réglementaire et institutionnel
Cet axe consiste à poursuivre et améliorer la conservation et la valorisation de documents d’archives plus ou moins détaillés, conformément à la réglementation en vigueur. Il s’appuie notamment sur le travail minutieux des archivistes de l’Andra.
La conservation réglementaire de la mémoire des sites de stockage de déchets radioactifs intervient à travers la réalisation des actions suivantes pour chaque site.
- La réalisation d’un dossier synthétique de mémoire
Destiné au grand public, il comporte les principales informations relatives à l’histoire du centre depuis sa création, à la nature des déchets présents et aux risques qui leur sont associés. Il se compose de trois supports autoporteurs, dont le niveau d’information est graduel, permettant ainsi un parcours initiatique de la mémoire :
- une « ultra-synthèse » d’une page recto-verso ;
- un dossier d'informations clés similaire au concept international de Key Information File (KIF) ;
- des fiches repères avec des informations plus précises sur des points techniques particuliers (l’histoire du site, l’inventaire des déchets radioactifs, les risques liés à la présence du stockage.
Le dossier synthétique de mémoire sera largement diffusé, par exemple via le site internet de l'Andra ou auprès des municipalités.
- La réalisation d’un dossier détaillé de mémoire
Destiné en priorité aux exploitants successifs du centre, il est plus technique que le dossier synthétique de mémoire et présente une compilation de données et de documents donnant accès à une connaissance la plus exhaustive possible du centre de stockage.
À terme, un exemplaire du dossier détaillé de mémoire sera conservé sur les sites de stockage et aux Archives nationales, intégrant ainsi la mémoire dans un dispositif institutionnel pérenne.
Par ailleurs, afin de tester la pertinence et la complétude du dossier détaillé de mémoire, un exercice de recherche d'informations est effectué régulièrement.
Une mise à jour du dossier synthétique de mémoire et du dossier détaillé de mémoire est réalisée en continu. Elle est alimentée notamment par des expertises et des exercices de recherche d’informations, qui font intervenir des participants internes à l’Andra, mais aussi externes.
- L’inscription des emprises foncières aux cadastres et la création de servitudes publiques
Il s’agira de demander l’autorisation d’inscrire l’emprise foncière des sites au cadastre communal, ainsi que d’établir des servitudes.
Chiffres clés
et plus de 1500 plans : c'est ce que représentent aujourd'hui les dossiers détaillés de mémoire des centres de stockage de la Manche et de l'Aube.
C'est la longueur des archives constituées par l'Andra depuis sa création (soit à peu près la distance entre Notre-Dame de Paris et le bois de Vincennes).
Ils sont chargés d'établir et conserver les dossiers synthétiques et détaillés de mémoire des sites.
Les archives au service de la mémoire
Pour en apprendre davantage sur le dossier synthétique de mémoire (DSM) et le dossier détaillé de mémoire (DDM) de chaque centre de l'Andra, rendez-vous sur les pages suivantes :
Axe Interactions sociétales
Cet axe vise principalement à maintenir le plus longtemps possible dans la société la conscience de l’existence du stockage et des informations associées. Cela consiste à mobiliser le plus largement possible les diverses composantes de la société civile contemporaine.
Plusieurs facteurs expliquent l’importance du rôle de la société dans la transmission de la mémoire. D’une part, transmettre la mémoire des centres de stockage est une responsabilité qui repose sur l’ensemble de la société ; d’autre part, la société civile est source de propositions et permet d’éprouver les dispositifs. Enfin, créer un lien pérenne avec les populations locales renforce la robustesse et la résilience du dispositif mémoriel.
- Communiquer avec tous les publics
En informant le public via différents supports (papier, Internet, réseaux sociaux, relations médias, etc.) et en créant des occasions d’interaction et de dialogue (journées portes ouvertes dans les installations de l’Andra, concertations sur Cigéo, etc.), l’Andra souhaite étendre la mémoire des centres de stockage au périmètre le plus large possible : les riverains des centres de stockage, bien sûr, mais également tous les citoyens.
Outre les actions menées en direct par l’Andra, d’autres acteurs ont un rôle d’information au niveau local, comme par exemple les commissions locales d’information (Cli).
- Création des groupes Mémoire locaux
Depuis 2011, chaque centre de l'Andra anime un groupe de réflexion local exclusivement tourné vers la mémoire.
Ces groupes Mémoire sont composés de riverains, d’élus locaux, d’acteurs de la vie associative et d’anciens salariés des installations de l'Agence, volontaires et bénévoles. Ils se réunissent régulièrement pour imaginer, expérimenter et mettre en œuvre des solutions permettant de mieux conserver et transmettre la mémoire des centres de stockage : collecte d’articles de presse, conservation d’objets en lien avec le centre, recueil de témoignages d’anciens salariés et d’acteurs locaux, installation d’œuvres d’art, dispositifs ludiques, etc.
« Il ne s’agit pas de dire quoi penser, mais de transmettre l’existant pour faire que les générations qui arrivent aient tout en main pour agir, passer le relais, voire faire autrement. »
Tiphanie Fontaine, membre du groupe mémoire de Meuse/Haute-Marne
En savoir plus sur les groupes Mémoire
Rendez-vous sur les pages suivantes pour découvrir les différentes réalisations des groupes Mémoire :
- Mener des actions de communication innovantes
Elles sont destinées à intéresser un large public, et notamment les jeunes, à la question des déchets radioactifs.
Elles s’appuient pour partie sur l’art qui, en raison de sa force d’évocation et de son caractère universel, renforce la sensibilisation du public contemporain et crée des traces dans la culture.
Par ailleurs, l’Andra multiplie les modes d’expression afin de sensibiliser un public le plus large possible : concours de courts-métrages, pièce de théâtre, danse, bande dessinée, vidéo via des Youtubers, Facebook live, podcasts, newsletter ou encore capsules mémorielles.
L'art au service de la mémoire
Grace à leur sensibilité particulière et à leur intuition parfois visionnaire, les artistes peuvent enrichir les réflexions sur la mémoire. C'est pourquoi l'Andra intègre l'art à son programme Mémoire et collabore avec des artistes sous diverses formes.
Depuis plus de 25 ans, l’artiste plasticienne Cécile Massart multiplie les propositions artistiques pour transmettre, au plus grand nombre et dans le temps, la mémoire des sites de stockage de déchets radioactifs. Son ambition ? Construire une « culture autour du nucléaire ». Elle a notamment collaboré avec l'Andra à plusieurs reprises.
Les appels à projets artistiques de 2015, 2016 et 2018 ont également été un temps fort du programme Mémoire et ont incité les artistes à apporter leur contribution à l'indispensable réflexion collective sur le devenir et la mémoire des déchets radioactifs.
- Pour en savoir plus sur les appels à projets
- Lire le troisième ouvrage de la collection Construire et transmettre la mémoire consacré aux appels à projets artistiques
D'autres initiatives ont vu le jour comme la résidence artistique « Prospectives graphiques », organisée par l'Andra en association avec Le Signe, centre national du graphisme à Chaumont. Elle donne l’opportunité à des artistes, designers graphiques et autres spécialistes de la culture visuelle de s’emparer du sujet.
La première édition a permis à deux spécialistes de réfléchir sur les façons de communiquer la dangerosité des déchets radioactifs à l’échelle plurimillénaire. Entre octobre 2019 et mars 2020, Sébastien Noguera, designer graphique, et Charles Gautier, chercheur en sciences du langage, ont ainsi mené des recherches historiques et proposé les bases pour inventer une signalétique durablement compréhensible.
Lors de la deuxième édition en 2022, c’est Juliette Nier, graphiste indépendante et autrice, qui a été sélectionnée. Le fruit de ce travail s’est traduit en un théâtre d’ombres : une « technogonie » du nucléaire (techno- pour « technique », -gonie pour « genèse »), comme l’a dénommée l'artiste, qui a vocation à être diffusée pour s’ancrer dans la mémoire collective.
La Youtubeuse Clothilde Chamussy, créatrice de la chaine Youtube de vulgarisation scientifique, en archéologie, en anthropologie et en histoire, « Passé Sauvage », s’est intéressée à la mémoire des sites de stockage de déchets radioactifs et au lien entre ceux-ci et l’archéologie. A découvrir ci-dessous.
« Demain dans 1000 ans », la série qui explore la mémoire sous tous les angles
Pour continuer à explorer la problématique de la mémoire, l’Andra propose une série de six épisodes dans le cadre de son nouveau podcast Radio-Actif. Cette saison 1 aborde tour à tour les analogues mémoriels, les archives, la sémiologie sonore, les supports de stockage, l'archéologie ou encore l'international.
Axe Étude et recherches
Cet axe a pour objectif de réfléchir à des messages, des supports et des modalités de transmission de la mémoire capables de perdurer sur de longues échelles de temps. Il s’agit aussi bien d’interroger les outils existants que d’en tester de nouveaux dans des disciplines variées.
L’Andra s’intéresse notamment à la compréhension du passé : comment et pourquoi des informations ont-elles traversé les siècles ? Pourquoi des objets ont-ils été préservé ? Ces recherches, menées en partenariat avec les acteurs de la recherche, s’articulent autour des sciences de la nature, de la technologie et des sciences humaines et sociales.
- Les supports et les matériaux
Il s’agit d’étudier la pérennité de différents supports et matériaux pour y inscrire des informations ou les utiliser en tant que marqueurs anthropiques dans le paysage. Un premier travail a permis d’identifier le potentiel des géopolymères (sorte de céramiques) pour la réalisation de petits marqueurs.
Par ailleurs, l’Andra a fait réaliser des études de vieillissement, qui montrent que le « papier permanent », retenu comme support des informations contenues dans les archives de l’Agence, respecte largement l’exigence de durée de vie sur au moins cinq siècles en conditions normales de conservation (contrairement aux supports numériques tels que bande magnétique, disque dur, clé USB, etc.). Les études se poursuivent sur la recherche d’un couple papier permanent/encrage encore plus durable en intégrant la problématique de l’encrage industriel (durabilité de l’encre, accrochage sur le papier).
La pérennité du disque de saphir
Le disque de saphir fait partie des pistes étudiées par l’Andra pour l’impression des informations importantes sur les centres de stockages de déchets radioactifs. Ce type de disque peut contenir l’équivalent de 10 000 feuilles de papier A4. Totalement transparent et incolore, il peut résister à une température supérieure à 1600°C et est insensible aux attaques chimiques et aux rayures. pourrait permettre d’atteindre des durées de vie de plusieurs millénaires.
Développé par la société Arnano, le procédé de gravure de données sur un disque de saphir pourrait permettre d’atteindre des durées de vie de plusieurs millénaires.
Des QR codes pour sauvegarder les données des centres de stockage
Parmis les études sur les supports pour conserver la mémoire, l’Andra regarde de près les moyens de transmettre les données numériques des centres de stockage de déchets radioactifs. Elle a ainsi testé le système Micr’Olonys, une solution qui permet d’encoder une base de données sous une forme similaire à des QR codes et de la restituer facilement dans le futur.
Ce système développé par la société Eupalia, spécialisée dans l’archivage numérique pérenne, permet de copier des données numériques compressées sur un support physique plus pérenne, tel que le papier permanent. Micr’Olonys permet ainsi de relire ces données longtemps après leur archivage en s’affranchissant de l’obsolescence des équipements et logiciels informatiques.
- L’archéologie des paysages
Il s’agit d’étudier la façon dont le paysage garde la trace d’ouvrages de grande ampleur comme les centres de stockage et de faire en sorte que ces traces ne puissent être confondues avec des phénomènes naturels. Un premier partenariat de recherche a été engagé sur le marquage archéologique du site de Cigéo.
- Les conservateurs institutionnels
L’objectif est de comprendre comment certains conservateurs (musées, bibliothèques, archives, monuments) perdurent dans un monde en perpétuelle évolution. Une première étude a mis en évidence le rôle des communautés accompagnant les conservateurs institutionnels.
- Les analogues mémoriels
Il s’agit de s’inspirer de la transmission mémorielle dans d’autres domaines que les stockages de déchets radioactifs. Une étude a été menée pour l’Andra sur le canal du Midi, ouvrage de génie civil dont la mémoire a été entretenue depuis sa création (fin du XVIIe siècle) jusqu’à nos jours.
- Sémiotique et linguistique
Il s’agit d’identifier les signes ou les facteurs linguistiques susceptibles de porter la mémoire des stockages sur plusieurs générations. Une importante étude bibliographique internationale a déjà été menée sur la pérennité des langues et de la symbolique. Le potentiel de la signalétique sonore est également exploré.
Signaler la nocivité des déchets radioactifs à l’échelle plurimillénaire
Lauréat de la première résidence artistique au Signe sur les façons de communiquer la dangerosité des déchets radioactifs à l’échelle plurimillénaire, Charles Gautier, a ensuite poursuivi ses recherches au sein du Centre d’anthropologie culturelle (Canthel) de l’Université de Paris, en partenariat avec l’Andra. Au croisement de l’anthropologie, de la sémiologie et du graphisme, il étudie les mécanismes pour créer une signalétique durablement compréhensible et contribuer à la préservation de la mémoire des stockages de déchets radioactifs.
Axe Collaboration à l'international
Cet axe s’inscrit dans la volonté de l’Andra de participer à l’élaboration d’une vision partagée autour de la mémoire. L’échelon international est également un facteur de robustesse supplémentaire pour la transmission de la mémoire, en complément des échelons local et national/ régional.
L’Agence est par exemple membre du groupe de travail IDKM (information, data and knowledge management) ), en lien avec la gestion des déchets radioactifs. Créé par l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) de l’OCDE, IDKM regroupe différents acteurs internationaux, dont l’Andra, concernés par le sujet de la mémoire. Le groupe de travail se décompose en quatre groupes d'experts :
- un groupe sur la conservation de la mémoire (EGAP) ;
- un groupe sur l’archivage (EGAR) ;
- un groupe sur le mangement des connaissances (EGKM) ;
- un groupe sur la stratégie de gestion des données et de l'information liée à la sûreté (EGSSC).
L’Andra est présente en tant qu’experte dans trois de ces quatre groupes. Elle est en particulier membre du bureau d’EGAP.
Le projet Memory of Mandkind
Ailleurs dans le monde, l'Andra s'intéresse à d'autres projets qui ambitionnent de contribuer à la préservation de la mémoire. C'est le cas de Memory of Mandkind, fondé par l'artiste céramiste autrichien, Martin Kunze. Ce projet ambitionne de stocker une petite partie de notre histoire et de nos vies quotidiennes dans la plus ancienne mine de sel du monde sous la montagne Plassen à Hallstatt, en Autriche. Les informations, sous forme de texte et/ou image, sont gravées sur des supports en céramique et pourraient résister sur de très longues échelles de temps. Une plaque sur le projet Cigéo y est d'ailleurs stockée.
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Une transmission intergénérationnelle
À travers les différents axes du programme Mémoire, l’Andra a engagé un travail de fond dans de nombreuses disciplines afin de construire au fur et à mesure un dispositif mémoriel capable de traverser les siècles. Si les travaux de recherches sont divers, il n’existe pas pour autant de solution unique, ni de dispositif figé. Les pistes de réflexions sont complémentaires et en perpétuelle construction afin de constituer un patrimoine mémoriel pérenne.
La transmission de la mémoire est en effet avant tout intergénérationnelle, comme un passage de relai. Chaque citoyen peut être un messager et chaque génération successive pourra s’approprier la mémoire, l’intégrer à sa culture. La mémoire n’est donc pas figée mais vivante et en perpétuelle évolution.