Émilie Bernard, BIM manager
Architecte de formation, Émilie Bernard est la BIM (Building Information Modeling) manager de l’Andra. En bref, elle conçoit et coordonne la maquette 3D du projet de centre de stockage géologique pour les déchets radioactifs les plus dangereux, Cigéo, en s’appuyant sur les données produites par les différentes équipes de l’Agence. Une cheffe d’orchestre 4.0 doublée d’une pédagogue agile et avertie, au carrefour de tous les métiers de l’Andra. Portrait.
BIM manager, un nom qui peut faire sourire pour un poste clé. Car derrière cet acronyme bondissant se cache un outil technologique qui révolutionne depuis environ sept ans les pratiques métiers du secteur de la construction. BIM, pour Building Information Modeling ou, en français « modélisation 3D des données des bâtiments et des infrastructures ». Plans, coupes, perspectives, etc., fini le papier… : le BIM implémente et centralise toutes les données d’un projet de construction pour en produire une maquette 3D. En somme, un véritable avatar numérique de la future installation, comme c’est le cas pour le centre de stockage Cigéo. « Plus qu’un outil technologique, le BIM est une nouvelle méthodologie de travail conçue pour optimiser la conception du projet et la collaboration de tous ses acteurs autour d’un objet numérique commun et partagé », explique la BIM manager de l’Andra.
Pionnière
Émilie Bernard s’est formée au BIM sur le terrain, alors qu’émergeait à peine cet outil promis à un bel avenir. « J’ai passé près de dix ans dans un cabinet d’architecture pionnier de l’utilisation du BIM. Jeune architecte, je m’y suis familiarisée alors que c’était encore un outil très nouveau. » Sans être particulièrement portée sur les technologies de l’information, elle perçoit très tôt l’intérêt du numérique pour faciliter la collaboration. « La mise en œuvre du BIM est un moment où l’on requestionne nos habitudes de travail pour toujours mieux coller aux exigences réglementaires et aux besoins des métiers. » Une dimension pédagogique et de « conduite du changement » qu’elle apprécie. « Il faut embarquer et accompagner tout le monde dans ce nouveau processus ! Mon expérience d’architecte me confère une vision du BIM naturellement orientée sur le service rendu aux métiers », souligne-t-elle.
De projet en projet, et au contact de professionnels précurseurs dans le domaine, Émilie Bernard consolide sa propre pratique et devient officiellement BIM manager en 2015. Une fonction rare et technique, peu valorisée à l’époque. Et pourtant… aujourd’hui très recherché, le BIM manager est devenu incontournable dans les grands projets de construction.
Une réalité concrète
À l’Andra, la mise en œuvre du BIM est en cours pour le projet Cigéo. Et c’est justement pour prendre en charge cette mission qu’Émilie Bernard arrive à l’Agence en 2018. « J’avais envie d’aller plus loin dans l’exploitation de cette méthodologie. En passant du côté de la maîtrise d’ouvrage, comme à l’Andra, vous définissez la stratégie de mise en œuvre du BIM sur tout le cycle de vie d’un projet : conception, chantier, exploitation, etc. »
Son rôle : piloter les prestataires de la modélisation pour implémenter toutes les représentations du projet dans une maquette numérique complète de Cigéo. Intégration des nouveaux éléments dans la maquette, réunion de présentation ou de formation interne, participation à des journées d’études extérieures, rédaction des plans d’actions de l’Andra… En tant que coordinateur et opérateur, ses activités sont diverses, riches aussi de la variété des métiers de l’Andra : « Je ne connaissais pas la filière nucléaire, ni l’Andra. Il m’a fallu rapidement intégrer la dimension industrielle et les projets parfois très complexes de l’Andra. Et j’y ai découvert beaucoup de métiers : les travaux souterrains, la sûreté, l’ingénierie système… et un éventail impressionnant d’expertises scientifiques ! »
Si elle arrive en « terrain favorable » – l’utilisation de la maquette étant déjà prévue dans le cahier des charges du projet – le BIM est désormais une réalité concrète pour Cigéo.
Aujourd’hui, Émilie Bernard poursuit le recensement des besoins métiers pour compléter la maquette. « Il s’agit aussi de mettre en cohérence notre stratégie avec ce qui est possible de faire pour que les prestataires qui travaillent sur le projet puissent répondre toujours mieux à nos besoins ». Elle a aussi pour mission de familiariser les équipes à l’utilisation de l’outil. « Le numérique va maintenant nous permettre d’automatiser ou d’accélérer les tâches basiques pour que les experts puissent consacrer plus de temps aux tâches à valeur ajoutée. » Après Cigéo, Émilie Bernard se frottera prochainement à la mise en œuvre du BIM sur le schéma directeur du Centre de l’Andra Meuse/Haute-Marne et des centres industriels de l’Andra dans l’Aube. À suivre.
Une maquette numérique, pour quoi faire ?
Aujourd’hui la maquette numérique permet de visualiser le projet, en support à des réunions par exemple, favorisant ainsi la compréhension du projet et la communication entre les parties prenantes. Elle sert également de base pour produire des illustrations du projet, nécessaires notamment pour les dossiers réglementaires. Plus récemment, elle a été utilisée pour la simulation : des simulations scientifiques d’une part, ainsi que dans le cadre du projet Spadassin, un projet de réalité virtuelle qui permet de simuler des situations de crise.
D’autres usages de la maquette seront mis en place comme la « 4D » (qui couple le planning à la maquette numérique en 3D), la « 5D » qui intègre également la dimension « coût » et d’autres encore selon les besoins métiers.
Enfin, à plus long terme, pendant le fonctionnement de Cigéo, elle pourrait permettre de connaître l’endroit exact où se trouve tel ou tel élément, pour réaliser la maintenance par exemple, ou pourrait être utilisée pour réaliser la surveillance de Cigéo.