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La surveillance : une garantie de durabilité

Le Centre de stockage de la Manche n’est pas une installation comme les autres car il accueille, dans ses ouvrages aujourd’hui fermés, des déchets radioactifs. Une spécificité qui exige une surveillance dans le temps. Le point avec Albert Marchiol, géologue pour les centres de ­l’Andra.

Cela fait près de 30 ans que la couverture isole et protège les ouvrages de stockage. « Et sur le CSM, on est encore là pour longtemps, au moins 300 ans », rappelle Albert Marchiol, géologue pour les centres de ­l’Andra. Une période durant laquelle il faut s’assurer qu’aucun évènement ne vient fragiliser le confinement des colis de déchets.

Les équipes de ­l’Andra suivent de près le comportement physique de la couverture car elles s’attendent à de potentiels tassements, plus particulièrement dans la partie nord du site, là où le stockage a commencé dans les années 1970, ainsi qu’à des glissements dans les zones les plus pentues du pourtour de la couverture. En effet, les premiers colis stockés au CSM étaient, pour certains, peu denses et exposés aux intempéries. « Certes ils ont été recouverts par des matériaux, puis la couverture a permis de protéger le tout. Mais cela n’a fait que retarder de probables tassements », explique encore le géologue de ­­l’Andra. Considérant qu’il est impossible de prédire quand ils auront lieu et à quelle échelle, ­­l’Andra a installé un dispositif permettant de détecter les prémices de ces évolutions. 

Dès le départ, la couverture a été équipée de cibles tous les 12 mètres. Un géomètre les relève une fois par an pour voir si elles se déplacent verticalement et/ou latéralement.  « C’est ainsi qu’on a confirmé que les talus avaient tendance à glisser dans le sens de la pente. Dès lors on a amélioré la surveillance en mettant plus de repères dans les zones qui montraient des déplacements. Les géomètres les relèvent plus fréquemment et évaluent la vitesse d’évolution et la déformation », décrit Albert Marchiol. 

« Dès le départ, la couverture a été équipée de cibles tous les 12 mètres »

Réparer au besoin

Et si un tassement ou un glissement a lieu ? « En 1999, un tassement s’est déjà produit, se souvient le géologue. La question qui s’est alors posée était de savoir si l’ampleur de cet affaissement nécessitait des réparations. Mais il fallait d’abord que le sol se stabilise. » Dix ans plus tard, en 2009, des travaux ont été entrepris à l’endroit du tassement et ont permis de constater les dimensions de ce tassement : 60 centimètres de profondeur, sur 8 mètres de long et 4 mètres de large. Si les relevés ont montré que ce tassement n’avait eu aucun impact sur les infiltrations d’eaux recueillies dans les réseaux enterrés, ­l’Andra a quand même décidé d’effectuer des travaux pour remettre à niveau le sol. Ces travaux de reprise ont également été l’occasion d’aller contrôler la membrane bitumineuse et d’évaluer son comportement in situ dans ce type de situation : la membrane s’était en effet déformée mais ne présentait ni fissure, ni signe de fragilité et a ainsi pu confirmer ses bonnes performances. 

La surveillance engagée sur le CSM permet donc de réagir et de vérifier la résistance et l’étanchéité de la membrane. « C’est bien l’objet de cette phase de surveillance, d’être présents pour contrôler et réparer au besoin, assure Albert Marchiol. Nous menons également un suivi sur le vieillissement de la membrane. » Tous les dix ans au moins, des prélèvements de membrane sont ainsi effectués pour réaliser des analyses physiques, chimiques et biologiques et s’assurer qu’elle reste intègre. 

 

3 questions à... Franck Duret et Albert Marchiol

Franck Duret - Ingénieur puis directeur du CSM entre 1991 et 1999
Albert Marchiol -  Géologue à l’Andra

La couverture peut-elle s’effondrer ?

Franck Duret

On pourrait imaginer observer un tassement plus important que celui observé, suivi et réparé de 1999. Selon des calculs de vide effectués à partir de la densité des colis stockés sur le centre, l’Agence estime, de manière très pessimiste, que ces tassements pourraient atteindre quelques mètres. Mais la profondeur n’est pas le seul critère. Le principal risque sur ces phénomènes suivis par ­l’Andra au CSM vient de l’aspect « différentiel », en marche d’escalier. Si la déformation est très ample, la membrane peut résister et il suffira de combler les vides par des matériaux d’apport comme cela a été fait en 2009. En revanche, une rupture de pente franche, avec des angles saillants comme une grande marche d’escalier pourrait endommager la membrane. Dans tous les cas, ­l’Andra, présente pour les trois siècles à venir, est en mesure de réparer à temps grâce à la surveillance mise en place, en réalisant des travaux de terrassement relativement classiques avec un éventuel remplacement d’une partie de la membrane. 

Comment être sûr que la couverture sera stable sur plusieurs siècles ?

Albert Marchiol

Même si, par sa conception, la couverture s’avère très résistante, ­l’Andra s’assure qu’elle demeure stable via la surveillance mise en œuvre sur le centre d’une part, et d’autre part via la réalisation de travaux de pérennisation. Des simulations sont menées face aux risques de séisme et sont prises en compte dans la surveillance du centre. Elles serviront également à déterminer le type de modifications qui seront apportées à la couverture d’ici 2035, sous le contrôle et l’autorisation de l’Autorité de sûreté nucléaire. 

« ­L’Andra est dans une démarche de réflexion de très long terme. Dans l’industrie, il n’est pas courant de concevoir pour plus de 300 ans. Cela nécessite donc une étude minutieuse de toutes les réponses possibles susceptibles d’accroître la résistance de la couverture. Mais nous restons très humbles et c’est pour cette raison que la notion de surveillance est cruciale et permet de garantir qu’une entité sera là pour réagir en cas de besoin », estime Albert Marchiol. 

« La surveillance est cruciale et permet de garantir qu’une entité sera là pour réagir en cas de besoin. »

Faudra-t-il rouvrir le stockage un jour ?

Aujourd’hui, aucune raison ne justifierait qu’on rouvre le stockage. Toutefois, ­l’Andra se réinterroge régulièrement, notamment lors des réexamens de sûreté décennaux sur cette thématique. Par exemple, ­l’Andra s’est engagée, à la suite du réexamen de sûreté de 2019, à présenter, pour le prochain réexamen périodique de sûreté, un document d’information sur la récupérabilité des colis. Ce document permettra de réactualiser, au regard du retour d’expérience et de l’évolution des techniques pouvant être mises en œuvre pour cette récupérabilité, les enjeux associés à un tel chantier ainsi que les colis impliqués. Il permettra aussi de réinterroger les conclusions des expertises déjà réalisées, lesquelles avaient conclu à l’absence d’intérêt d’une telle opération au regard des inconvénients et risques associés par rapport au fait de laisser les colis dans le stockage.

Retrouvez notre dossier complet - Au Centre de stockage de la Manche : une couverture pensée et surveillée pour durer