Morgan Lechat apporte sa patte sur la question des déchets radioactifs
Les nostalgiques des paillasses et des blouses blanches ont trouvé leur refuge. Et ça se passe sur les chaînes TikTok et Instagram de Morgan, alias monsieurlechat. Le jeune professeur de physique-chimie a su fédérer une large communauté sur ses réseaux sociaux (400 000 abonnés sur TikTok). Son approche ? Partir de questionnements du quotidien ou de sujets d’actualité pour expliquer des notions scientifiques à travers de courtes vidéos dynamiques et pédagogiques. Dans le cadre d’un partenariat avec l’Andra, monsieurlechat s’est intéressé à la gestion des déchets radioactifs, en prouvant encore une fois que, quel que soit le sujet, il retombe toujours sur ses pattes. Interview.
Quelle est votre approche pour faire comprendre au public des notions qui peuvent paraitre complexes ?
J’essaye tout simplement de faire des contenus ludiques, qui parlent de science et qui donnent envie d'aimer la physique-chimie.
Quand on démarre un cours en classe, on dit souvent qu’il faut une situation déclenchante, c'est-à-dire que l’on se pose une question qui va nous amener une réflexion pour ensuite faire comprendre certaines notions. Que ce soit dans mes cours ou dans mes vidéos, j'essaye toujours de faire le lien avec le réel, avec la vie quotidienne. Si on est trop théorique, en commençant avec le vocabulaire scientifique, sans l'expliquer ou l'amener de manière concrète, l’auditeur ou le spectateur va facilement se désintéresser car il ne se sent pas concerné.
Par exemple, dans le cadre d’une des vidéos sur la gestion des déchets radioactifs, je suis parti de la banane qui est naturellement radioactive. C’est un bon point de départ : une banane c’est radioactif ; on travaille avec les propriétés de radioactivité pour apporter de l'énergie dans nos habitations ; cette activité produit des déchets radioactifs ; qu'est-ce qu'on en fait ?
Dernier exemple en date, j’ai travaillé en cours sur les changements d'état et sur l'étude de la température quand différentes choses sont mélangées. C’était en février et, avec les élèves, nous sommes partis de la raison pour laquelle les routes sont salées l'hiver. Ensuite, on passe par l’expérience et tout le vocabulaire scientifique qui va avec puisque, dans le programme scolaire, il y a des mots clés spécifiques que les élèves doivent maîtriser. Mais ces mots clés ne sont pas dans la vie courante, d’où le cheminement afin de les amener à la satisfaction de pouvoir parler comme des scientifiques. C’est ce que j’essaye de valoriser : plutôt que de les entendre dire que tel mot est pénible, qu’il ne sert à rien, d’aller vers le sentiment de fierté de maitriser ce mot et de pouvoir s’en vanter.
Vous connaissez un grand succès sur TikTok. Comment appréhende-t-on les sujets éducatifs et scientifiques sur cette plateforme ?
Quand je me suis lancé en 2020-2021 sur TikTok avec d’autres créateurs, vulgarisateurs ou enseignants, il n’y avait pas encore beaucoup de place pour l’éducation. Je pense qu’il y a eu ensuite de l’engouement car le public a eu la satisfaction d’apprendre quelque chose et de voir du contenu différent par rapport à d’habitude. Il y a ainsi eu le développement de ce qu’on appelle l’edutainment, autrement dit une approche qui mélange éducation et divertissement. Les utilisateurs de TikTok vont sur la plateforme sur leurs moments de creux. C’est donc un très bon moyen d’apprendre des choses tout en prenant sa pause, dans les transports ou avant d’aller dormir.
Sur ce type de format, généralement moins de deux minutes, il faut aller à l'essentiel. Mon but est de faire une petite capsule ludique, amusante, qui donne envie d'en savoir plus et qui apporte des informations importantes. Mais ce n’est en aucun cas un cours sur internet. Avec les sujets que je traite en vidéo, je souhaite que, par exemple, en rentrant le soir, les personnes puissent en parler à leurs amis et dire « vous ne savez pas ce que j'ai appris tout à l'heure ? ».
Je suis également content de ne pas dupliquer ce que je fais en classe et de faire autre chose sur les réseaux sociaux. Cela permet de toucher un public plus large : des jeunes bien sûr, mais aussi des parents d'élèves ou des personnes plus âgées, jusqu'à 60 ou 70 ans.
Comment gérez-vous de front votre activité d’enseignant et de vidéaste ?
Les deux activités sont cloisonnées. Monsieur Le chat est un pseudonyme et ce n'est pas la même personne que celle qui fait cours. Certains élèves sont curieux et vont regarder mes vidéos, d’autres peuvent me féliciter sur les temps de pause, mais ça s’arrête là. J’entends parfois que j’y perdrais ma crédibilité ou mon autorité. À mon sens, mes contenus sur internet ne me décrédibilisent à aucun moment. Les élèves savent ce que je fais. Cela montre que j’ai une vie à côté. Certains parents d’élèves m’écrivent d’ailleurs pour me parler de mes vidéos et me dire qu’ils les montreront à leurs enfants.
Est-ce que les notions autour de la radioactivité font partie du programme scolaire ?
Cela fait partie du programme commun à tous les élèves. Pour ma part, je suis professeur de physique-chimie au collège. À ce niveau, nous ne traitons pas directement de la radioactivité. C’est abordé sous l’angle de la conversion d'énergies. Pour l’électricité, on peut par exemple partir d’une centrale nucléaire jusqu'à l'habitation. Cela nous permet d’expliquer le fonctionnement de la centrale : le combustible qui est enrichi, la désintégration qui libère de l'énergie et qui va faire chauffer de l'eau, transformée en vapeur qui entraîne une turbine et son alternateur pour produire de l’électricité.
Nous avons également au programme de collège tout un chapitre sur l'atome et les ions. Nous étudions ce qu’il y a dans l'atome et son noyau : neutrons, protons, électrons. En revanche, nous n’abordons pas les isotopes radioactifs et la notion de radioactivité qui n’arrivent qu’en seconde générale et technologique.
En tant que professeur de physique-chimie, est-ce que vous avez eu une démarche particulière pour aborder la gestion des déchets radioactifs ?
J’ai visité trois sites différents de l’Andra : le Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires)(1), le Centre de stockage de l’Aube (CSA)(2) et le Laboratoire souterrain où est étudié le projet Cigéo(3). L’idée était de faire une vidéo sur chacun de ces lieux qui avait ses particularités. La première étape était donc que je comprenne bien la différence et le rôle de chaque installation pour pouvoir restituer cela au public.
J'ai d’abord travaillé sur de la documentation avant de me confronter à la réalité. Ce n’est pas du tout la même façon de ressentir les choses. J'ai essayé de montrer au maximum à quoi ressemblaient les installations et leur fonctionnement. Pour le projet Cigéo, qui n’existe pas encore, c’est d’ailleurs particulier. Quand tu es enseignant et que tu as le bagage scientifique, tu te fais des projections : c’est un lieu où il va y avoir de la radioactivité et tu essayes de rendre cela palpable.
Est-ce qu’il y a des aspects qui vous ont interpellés ou surpris lors de vos différentes visites ?
Pour le Centre de stockage de l’Aube, en lisant la documentation, j’ai appris que sa capacité de stockage était d’un million de m3. C’est une échelle difficile à se représenter. Mais en se rendant sur place, en observant les rangées d’ouvrages de stockage et en découvrant comment sont déposés les colis de déchets radioactifs, la perception est différente. C’est impressionnant. Avant d’arriver, on peut bien sûr se demander si tout est bien protégé. Et effectivement, sur les lieux, j’ai constaté que c’était le cas. Je disposais par exemple d’un dosimètre sur moi et il n’y avait rien d'anormal. Toutes les normes sont respectées et, en France, nous sommes très vigilants là-dessus. Finalement, je me sentais impressionné par la taille de l’installation, mais pas inquiet par la gestion des déchets radioactifs.
Au Laboratoire souterrain de l’Andra, c’est différent. Il y a cette impression d’être un peu comme dans les bouches du métro. On ne se sent pas oppressé, mais on concrétise le fait d’être à 500 mètres sous terre. Une idée reçue qui peut exister est que l’on y ferait des tests sur des déchets radioactifs dans des situations à la Homer Simpson avec des gants de protections, des tenues de cosmonautes, etc. Mais il n’y a rien de tout ça. On teste, on expérimente dans des conditions de sécurité optimales avec principalement l’étude du sous-sol ou les façons de creuser de la manière la plus performante possible. Tous les tests sont faits pour être prêts au lancement du projet Cigéo.
Y-a-t-il un sujet que vous auriez aimé approfondir ?
Sur le projet Cigéo, il y a tout le travail autour de la mémoire du stockage qui est un défi sociétal à moyen et à long terme. Je ne m’étais pas interrogé à ce sujet avant de visiter les centres de l’Andra et il y a de nombreuses questions qu’il me semble intéressant de pouvoir soulever avec le grand public : comment communiquer avec les générations futures ? Si les langues évoluent, comment leur laisser un message ? Est-ce que celui-ci doit être numérique alors qu’il n’est pas certain qu’internet, tel qu’on le connait aujourd’hui, existera toujours ? Il y a de nombreuses idées, mais lesquelles vont pouvoir durer dans le temps ? En sachant que nous ne sommes pas habitués à réfléchir à aussi long terme dans une société où tout va très vite. Ce n’était pas le sujet de mes vidéos, mais tous ces questionnements m’ont marqué au moment de mon départ, lors du dernier jour de tournage.
Quelles ont été les réactions après la publication des vidéos ?
J'ai eu beaucoup de remerciements, notamment d’avoir fait découvrir des lieux que la plupart des gens ne connaissaient pas. La mise en scène de la vidéo sur le Cires, avec l'exemple sur les lasagnes, a vraiment plu.
Il y a eu également quelques commentaires surprenants, me disant que l’on ne sait pas comment la radioactivité évolue ou ce que va produire dans le temps le type de déchets qui va être stocké dans Cigéo. Alors que l’on sait tout ça ! C’est une loi physique. Aujourd’hui on sait mesurer, quantifier la radioactivité d’un corps ; on sait comment va se désintégrer un élément radioactif, en combien de temps ; et donc on sait quand il ne sera plus radioactif et comment s’en protéger.
Quels sont désormais vos prochains projets ?
Vous allez pouvoir me retrouver sur YouTube avec des épisodes un peu plus longs, entre trois et six minutes, sur des sujets scientifiques. J’essaye de prendre mes marques sur cette plateforme en testant de nouveaux formats. J’ai d’ailleurs une bourse à la création du Centre national du cinéma (CNC) pour faire des contenus, ce qui me permet de me professionnaliser.
Je vais également travailler cette année avec le CNRS pour donner la parole à des chercheurs et mettre en avant des sujets de recherche dont on n’entend pas forcément parler.
En conclusion, est-ce qu’il y a un message particulier que vous souhaitez faire passer à travers vos vidéos ?
Nous sommes en 2024 et je trouve qu’il y a de plus en plus de désengagement vers les métiers de l’éducation de la part des étudiants. Avec mes vidéos, je ne fais pas exactement le métier d’enseignant, mais c’est parce que je suis enseignant que je fais ces vidéos. Je veux montrer que l’on peut être passionné par son travail. Mes chaînes sur les réseaux sociaux, c'est en quelque sorte un grand laboratoire où je m'amuse, je fais des choses qui m'animent et qui font partie de ce que j'aime au quotidien. C’est essentiel que l’on préserve le partage du goût du savoir. Et c’est grâce notamment à tous les professeurs.
(1) Stockage en surface pour les déchets radioactifs de très faible activité
(2) Stockage en surface pour les déchets radioactifs de faible et moyenne activité, principalement à vie courte
(3) Projet de stockage géologique pour les déchets de moyenne activité à vie longue et de haute activité
@monsieurlechat94 Les bananes que vous mangez sont radioactives ! Mais pas seulement… ☢️ En collaboration avec l’Andra, je vous propose une série de 3 vidéos en lien avec le traitement des déchets radioactifs. Tous les vendredis du 10 au 24 mai. Vidéo 1/3 🚛 #radioactivité #protectionenvironnement #sante #nucleaire ♬ son original - monsieurlechat94
@monsieurlechat94 Une visite inédite dans un centre de stockage en activité pour les déchets radioactifs ☢️ . En collaboration avec l’Andra, je vous propose une série de 3 vidéos en lien avec le traitement des déchets radioactifs. Tous les vendredis du 10 au 24 mai. Vidéo 2/3 🚛 #radioactivité #protectionenvironnement #sante #nucleaire ♬ son original - monsieurlechat94
@monsieurlechat94 Visite inédite dans un labo de recherche sur les déchets radioactifs les plus dangereux ☢️ En collaboration avec l’Andra, je vous propose une série de 3 vidéos en lien avec le traitement des déchets radioactifs. Tous les vendredis du 10 au 24 mai. Vidéo 3/3 🚛 Tag l’Andra en commentaire si tu en veux d’autres 🙏 #radioactivité #protectionenvironnement #sante #nucleaire ♬ son original - monsieurlechat94
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