Stockage géologique des déchets radioactifs : un premier pas décisif en Belgique
En entérinant la décision de principe d’un stockage en profondeur des déchets radioactifs de haute activité et/ou à vie longue sur le territoire belge, l’arrêté royal du 22 novembre 2022 constitue le premier acte réglementaire permettant l’établissement d’une politique nationale pour une gestion à long terme de ce type de déchets en Belgique. Explications.
La Belgique a mis en service son premier réacteur nucléaire pour la production d’électricité en 1975. Elle en compte aujourd’hui cinq, installés sur deux sites : Tihange (près de Liège) et Doel (à proximité d’Anvers). Exploités par Engie-Electrabel, ces réacteurs fournissent environ la moitié de l’électricité produite dans le pays et 80 % des déchets radioactifs, les 20 % restants provenant de l’industrie, des activités de recherche ainsi que du secteur médical.
Ces déchets sont classés en trois catégories selon leur niveau d’activité et leur durée de vie. On distingue ainsi les déchets de type A (faible et moyenne activité à vie courte), B (faible et moyenne activité à vie longue) et C (haute activité à vie courte ou longue).
Aujourd’hui, il n’existe pas de solution de stockage définitif de ces déchets. Ils sont entreposés provisoirement dans des bâtiments prévus à cet effet à Dessel (près de la frontière nord-est du pays), après avoir été traités et conditionnés.
Le stockage géologique, une solution envisagée de longue date
Parce qu’ils sont dangereux et nécessitent d’être isolés beaucoup plus longtemps, les déchets de haute activité et/ou à vie longue (B et C) ont fait très tôt l’objet de recherches visant à identifier une solution de gestion à long terme. La Belgique a été l’un des premiers pays à étudier l’option du stockage en couche géologique profonde, reconnue aujourd’hui à l’international comme la solution de référence pour gérer les déchets radioactifs les plus dangereux.
Les premières recherches, menées par le Centre d’études nucléaires (SCK-CEN), remontent à 1974. Elles portaient sur la conception d’un stockage géologique et sur l’étude d’un site d’implantation disposant d’un sous-sol argileux aux propriétés adéquates (argile de Boom) sous le site de Mol-Dessel. Depuis sa création en 1980, l’Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (l’ONDRAF, l’homologue de l’Andra, chargé de la gestion de tous les déchets radioactifs belges), et le SCK-CEN conduisent des activités de R&D communes à 225 mètres de profondeur dans le laboratoire souterrain Hades (High Activity Disposal Experimental Site), le plus ancien d’Europe, situé à Mol. Ce dernier a fêté en 2022 ses quarante ans d’existence.
Des recherches pionnières au laboratoire Hades
Car, très vite, est apparu le besoin de disposer d’un laboratoire souterrain pour tester le stockage géologique en conditions représentatives. Techniques d’excavation, matériaux pour les parois des galeries, propriétés et comportement de l’argile de boom, mais aussi projets de démonstration industrielle et essais à grande échelle : en quelques décennies, Hades a permis une connaissance approfondie de la couche d’argile et une bonne compréhension de tous les processus pertinents pour la sûreté d’un stockage géologique sur une échelle de temps de plusieurs centaines de milliers d’années.
Avant de disposer de son laboratoire souterrain en Meuse/Haute-Marne, l’Andra a pu y mener des études, la roche argileuse du site présentant des caractéristiques semblables à celle prévue pour implanter Cigéo.
Les choix stratégiques soumis à la population
Entre 2011 et 2018, l’ONDRAF a proposé plusieurs versions de stratégies de gestion des déchets radioactifs, incluant notamment la solution de stockage géologique des déchets de types B et C. Puis, en 2020, une consultation nationale a été organisée pour échanger avec la population belge sur les choix stratégiques relatifs à cette dernière solution. Elle a conduit l’ONDRAF à soumettre au gouvernement belge une proposition de politique nationale sur le sujet, prévoyant la création d’un stockage géologique sur un ou plusieurs sites en Belgique, avec un processus décisionnel réversible et une veille technologique sur des solutions alternatives. De leur côté, l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) et l’autorité en matière d’évaluation stratégique des impacts environnementaux se sont montrées en faveur des propositions de l’ONDRAF.
Les prochaines étapes
C’est par un arrêté royal, publié en novembre 2022, qu’a été prise la décision de principe en faveur du stockage en profondeur. Cet acte réglementaire pose également les bases servant à fixer, à un stade ultérieur et dans un cadre clair, les modalités de mise en œuvre d’un tel projet. Ces dernières seront progressivement établies lors d’un processus décisionnel participatif et transparent de plusieurs décennies, qui devrait aboutir à la sélection d’un ou plusieurs sites. Afin de tenir compte des évolutions du progrès scientifique, des innovations technologiques et des valeurs sociétales, chaque décision sera susceptible d’être reconsidérée.
Pour l’heure, un débat sociétal doit être organisé en 2023 avec des acteurs institutionnels, des universitaires et des experts, mais aussi des organisations de la société civile et la population belge, avec une attention toute particulière accordée à la jeune génération. Ces échanges s’articuleront autour de deux grandes questions : d’une part, le processus décisionnel qui accompagnera la mise en œuvre du stockage en profondeur. D’autre part, la confirmation ou la modification de la décision du stockage géologique en Belgique comme solution de gestion sûre des déchets radioactifs de haute activité et/ou à vie longue.
Stockage en surface : une mise en service dans les prochaines années ?
L’ONDRAF travaille également sur un projet de stockage définitif en surface pour les déchets de type A (faible ou moyenne activité à vie courte). Ce dernier est prévu sur le site de Dessel, qui accueille déjà des bâtiments d’entreposage provisoire. La mise en service est envisagée à l’horizon 2025. Une demande d’autorisation de création a été transmise à l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) en 2013, suivie d’un dossier d’évaluation de sûreté en 2019. Une deuxième demande, concernant le permis environnemental, est en cours de préparation. Pour l’heure, l’ONDRAF a entrepris la construction des installations adjacentes du site de stockage. Le centre de visiteurs et de rencontres interactif du site, Tabloo, a notamment ouvert ses portes l’année dernière et propose une exposition interactive, ouverte à tous, sur le thème de la radioactivité.