TOMIS : les déchets radioactifs aux rayons X
En développant un système mobile d’imagerie par rayons X, le projet TOMIS vise à permettre de caractériser et contrôler les colis de déchets radioactifs sur leur site de production ou d’entreposage. Objectif : optimiser leur gestion vers la filière adaptée.
En fonction de leur nature, les déchets radioactifs sont orientés vers une filière de gestion adaptée. La connaissance du contenu des colis de déchets est donc déterminante. « Par exemple, pour certains colis de déchets radioactifs anciens, il peut arriver que les informations sur la répartition des substances radioactives soient incomplètes », indique Christelle Martin, en charge du suivi du projet TOMIS à l’Andra. Or cette répartition à l’intérieur du colis détermine l’activité radiologique massique(1), selon que les substances radioactives soient concentrées ou diluées. C’est un des paramètres d’acceptation des colis de déchets radioactifs suivant la filière de gestion. « En améliorant la caractérisation de ces colis de déchets, ils peuvent être orientés vers le mode de stockage le plus adapté », explique Éric Simon, ingénieur-chercheur au Laboratoire de mesures nucléaires (LMN), qui dépend du CEA, et coordinateur du projet TOMIS.
Pour caractériser le contenu des colis de déchets radioactifs, une solution consiste à réaliser une image en 3D via une tomographie par rayons X, une technique d’imagerie semblable à celle qui est utilisée dans le domaine médical, mais avec des énergies nettement supérieures pour traverser des objets denses ou de grands volumes. Actuellement, la tomographie des colis était réalisée dans l’installation de R&D CHICADE au CEA Cadarache (Bouches-du-Rhône). Les rayons X y sont produits grâce à un accélérateur d’électrons installé dans une pièce enterrée dont les murs en béton armé ont une épaisseur d’1,5 mètre pour contenir les rayonnements émis par l’équipement.
Néanmoins, compte tenu du temps de transport des colis de déchets radioactifs jusqu’à cette installation et le caractère lourd de son utilisation, cet examen reste limité pour répondre à des besoins ciblés sur certains colis de déchets. « Il serait beaucoup plus intéressant de caractériser les colis directement sur leur lieu de production ou le lieu où ils sont entreposés provisoirement pour accroître le nombre de colis tomographiés », observe Christelle Martin.
(1) L'activité massique d'une substance radioactive est son activité par unité de masse, et donc le nombre de désintégrations radioactives par unité de temps et par unité de masse.
Déplacer le scanner plutôt que les colis
C’est tout l’objet du projet TOMIS (TOMographe In Situ multi-énergies à faible impact dosimétrique), mené par le CEA, en partenariat avec Thales, et soutenu par le programme Investissements d’avenir : proposer un outil de tomographie qui peut être déplacé au plus près des colis. TOMIS consiste à équiper un conteneur, semblable à un conteneur maritime, de trois éléments principaux : un accélérateur d’électrons pour produire un faisceau de rayons X de 9 mégaélectronvolts (MeV) ; un banc mécanique haute précision sur lequel est déposé le colis de déchets à caractériser ; un système d’imagerie de grande résolution pour produire l’image 3D du colis. Par ailleurs, le système prévoit un blindage optimisé (pour limiter les contraintes d’implantation du conteneur), de moyens de manutention des colis, d’une boucle de sécurité de lignes antifeu, etc.
L’enjeu de TOMIS est de concevoir un dispositif mobile intégrant l’ensemble de ces fonctionnalités. « Il s’agit d’apporter de la souplesse à l’outil de caractérisation des colis, en facilitant par exemple son transport sur des sites d’entreposage ou sur des chantiers de démantèlement d’installations nucléaires, poursuit Éric Simon. En combinant l’image du colis avec des mesures radiologiques de son contenu, la teneur des colis en substances radioactives peut être quantifiée avec précision. »
Les tomographies permettront également de détecter la présence de liquides ou d’objets interdits, de bulles ou de fissures affectant les capacités de rétention des substances radioactives par le colis de déchets, notamment les matrices de conditionnement(2). Une résolution d’image millimétrique est attendue y compris sur des colis volumineux (colis bétonnés de 1 mètre de diamètre).
(2) Matériaux assurant l'enrobage ou le blocage de déchets radioactifs.
Un prototype de tomographe mobile en 2023
Après les étapes de conception et de fabrication des différents composants, le projet TOMIS est entré en 2022 dans sa dernière phase : l’assemblage des composants du tomographe. La mise en service et les premières caractérisations de colis seront réalisées en 2023. Il sera ensuite déplacé sur le site du CEA Cadarache pour démontrer sa mobilité.
Ce prototype deviendra le premier tomographe transportable en Europe. Il pourrait être dupliqué pour être utilisé sur des chantiers de reprise de déchets anciens ou de démantèlement, mais également servir à d’autres secteurs d’activité qui ont besoin d’imagerie de haute précision pour caractériser des objets denses et volumineux, comme l’aéronautique, l’automobile, la métallurgie, etc.
29 projets innovants pour la gestion des déchets radioactifs
L’appel à projets lancé par l’Andra et l’ANR dans le cadre du programme Investissements d’avenir a pour but de faire émerger des solutions innovantes pour optimiser, en amont du stockage, la gestion des déchets radioactifs, en particulier ceux issus du démantèlement des installations nucléaires. 29 projets sont soutenus dans ce cadre. Ils portent sur quatre thématiques : la caractérisation des déchets, leur tri et traitement, les nouveaux matériaux de conditionnement, et enfin un volet sciences sociales sur l’innovation et la société.