Toute l’information sur la gestion des déchets radioactifs : entre accessibilité et transparence
En mars dernier, l’Andra a réalisé un nouveau versement de son dossier détaillé de mémoire aux Archives nationales. C’est le quatrième concernant le Centre de stockage de la Manche (CSM). Sophie Loisy, archiviste pour les centres de l’Andra dans la Manche et dans l’Aube, nous dit tout sur cette opération particulière.
Comment définit-on les archives ?
Le code du Patrimoine définit les archives comme « l’ensemble des documents, y compris les données, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale, et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité ». Nous conservons à l’Andra des archives de toute forme : documents papier, vidéos, plans, photos, diapositives, objets ou données numériques.
Pourquoi la gestion des archives est importante pour l’Andra ?
Les archives de l’Andra sont utiles au quotidien pour tous les salariés de l’Agence ; elles répondent également à des obligations légales et concourent à la traçabilité de nos activités. Elles sont aussi essentielles sur le plus ou moins long terme dans le cadre de recherches d’informations. Une des caractéristiques à l’Andra, c’est que nous devons conserver nos archives sur des périodes de temps très longues, on parle même en siècles pour nos archives intermédiaires.
En tant qu’établissement public, nous produisons des archives qui seront accessibles un jour à tout citoyen français, historiens ou sociologues.
À quel moment l’Andra effectue des versements aux archives nationales ?
Les archives publiques se découpent selon trois âges : archives courantes, archives intermédiaires, archives définitives. Chaque passage d’un âge à un autre induit un processus de sélection des archives. L’Andra assure la gestion des deux premiers âges et verse les archives à conserver définitivement à l’issue de leur durée d’utilité administrative, dites « historiques », aux Archives nationales qui en prennent alors la responsabilité sans limite de durée. Comme l’accès aux archives publiques est un droit constitutionnel, quiconque en fait la demande pourra avoir communication de ces documents dans le respect des règles de communicabilité.
L’Andra effectue également des versements réguliers de l’un des dispositifs de préservation de la mémoire des centres de stockage : le dossier détaillé de mémoire (DDM) qui, de par sa nature, fait partie des archives historiques de l’Andra et, de par sa fonction, constitue un outil réglementaire au titre de la réglementation applicable aux installations nucléaires de base (INB).
Vous avez effectué un versement aux Archives nationales en mars, que contenait-il ?
Ce versement a nécessité plusieurs mois de travail pour réunir toutes les données concernant la surveillance du Centre de stockage de la Manche et de son environnement : registres mensuels et bilans annuels de surveillance, suivis écologiques et hydrobiologiques, etc. Comme à chaque versement aux Archives nationales, il a aussi fallu rédiger un « instrument de recherche » pour chacune des 11 boîtes que nous avons déposées, qui détaille tout ce qu’elles contiennent (liste complète des documents, sommaire, résumés, etc.) afin de faciliter les recherches futures.
Quelles sont les précautions prises pour protéger ces archives le plus longtemps possible ?
À l’Andra, comme aux Archives nationales, les archives sont conservées dans des salles sécurisées et surveillées, à la température et à l’hygrométrie contrôlées.
De plus, afin d’assurer leur pérennité sur plusieurs siècles, les archives sélectionnées pour constituer le dossier détaillé de mémoire d’un centre sont imprimées sur papier permanent (voir encadré). En cas de manipulation de ce papier, le port de gants est obligatoire. Enfin, le DDM est conditionné dans des boîtes d’archives fabriquées sur mesure pour nos besoins. Elles sont en carton lui aussi permanent pour garantir une plus grande protection de nos archives.
Le saviez-vous ?
- Depuis sa création, l’Andra a constitué 6 088 mètres linéaires d’archives, soit à peu près la distance entre Notre-Dame de Paris et le bois de Vincennes.
- Elle en conserve 2,6 kilomètres dans ses propres salles d’archives (elle en compte huit), et 3,4 kilomètres chez un prestataire d’externalisation des archives.
- Les archivistes ont produit 10 973 instruments de recherche pour décrire ces archives et faciliter les recherches depuis sa création.
- Le dernier versement aux Archives nationales comptait 183 documents, totalisant 7 741 pages, réparties dans 11 boîtes.
Construire la mémoire pour le long terme
Dans le cadre de la conservation et de la transmission de la mémoire des centres de stockage sur le long terme, l’Andra s’appuie sur les archives pour constituer deux dossiers réglementaires : le dossier synthétique de mémoire (DSM) et le dossier détaillé de mémoire (DDM).
Destiné au grand public, le DSM comporte les principales informations relatives à l’histoire du centre de stockage depuis sa création, à la nature des déchets radioactifs présents et aux risques qui leur sont associés. Quant à lui, le DDM s’adresse en priorité aux exploitants successifs du centre de stockage. Il est plus technique que le dossier synthétique de mémoire et se compose d’une sélection de données et de documents effectuée parmi nos fonds d’archives afin de donner accès à une connaissance la plus exhaustive possible des questions liées à l’installation.
Alors qu’ils ne sont pas encore complets, les DDM des Centres de stockage de la Manche et de l’Aube représentent à eux seuls 703 boîtes d’archives et plus de 1 500 plans.
Une étude inédite sur le papier permanent
Destiné à l’archivage, le papier permanent a des propriétés qui lui permettent une plus grande durée de conservation que le papier classique : il résiste notamment beaucoup plus à l’oxydation et aux déchirures, il est plus résistant qu’un papier classique. Il doit donc rester chimiquement et physiquement stable pendant une longue période. Dans le cadre d’une thèse pour l’Andra*, la doctorante Caroline Vibert mène depuis fin 2020, et pour trois ans, une thèse consacrée à la « durabilité du papier et au couple papier/encre en conditions d’archivage ».
Une telle étude expérimentale n’a jamais été réalisée auparavant. L’objectif à terme ? Conforter le choix du papier permanent et réaliser un modèle numérique qui permettra de simuler le vieillissement du papier permanent, et ainsi connaître le nombre d’années à partir duquel il n’aura plus les bons critères de résistance ou de lisibilité des informations.
* Thèse en partenariat entre l’Andra, le laboratoire Procédés et ingénierie en mécanique et matériaux (PIMM) et le Centre de recherche sur la conservation (unité de recherche tripartite CNRS / Muséum national d’histoire naturelle / ministère de la Culture et de la Communication).