Contrôler la livraison à l'arrivée
Tous les ans, les Centres industriels de l’Andra dans l’Aube réceptionnent plus de 55 000 colis de déchets radioactifs. Chaque livraison est rigoureusement vérifiée, et des contrôles sont effectués sur les colis. Un certain nombre d’entre eux font l’objet d’investigations plus poussées.
Les livraisons sont contrôlées dès leur arrivée sur les Centres de stockage. “Nous nous assurons que les règles de transport ont bien été respectées, déclare Laurent Schacherer, chef du service production maintenance et facilities management aux Centres industriels de l’Andra dans l’Aube. Nous contrôlons également que le chargement reçu est conforme à la déclaration d’expédition, et aux informations contenues dans le dossier de transport.” En d’autres termes, que ce sont bien les colis prévus qui ont été livrés.
Pour s’en assurer, chaque colis est doté, dès sa conception par le producteur, d’un numéro unique pouvant être lu par un système de code à barres. Il est ainsi “scanné” dès son arrivée sur le Centre de stockage, et suivi tout au long de son parcours.
Des contrôles systématiques
Plusieurs contrôles systématiques sont effectués à la réception. Un technicien examine ainsi l’aspect extérieur des colis. À l’aide d’un appareil de mesure, il contrôle la radioactivité émise par le colis contrôlé (mesure du débit de dose au contact). Il effectue également un frottis à la surface du colis pour vérifier l’absence de contamination.
Les anomalies constatées lors de ces contrôles sont rares. “Au Cires, nous avons eu 45 constats de litiges en 2014, ce qui est très peu en regard des quelque 36 000 colis livrés sur le Centre pendant l’année. De même pour le CSA, où nous avons comptabilisé 27 litiges en 2014, sur près de 21 500 colis réceptionnés, souligne Laurent Schacherer. Il s’agit le plus souvent de problèmes d’étiquetage (étiquette mal collée ou illisible), d’anomalies par rapport aux documents de transport ou de déclarations non conformes. Cela donne lieu à une simple remise en conformité, sans retour à l’expéditeur.” Lorsqu’un colis n’est pas conforme aux spécifications de l’Andra, il est alors renvoyé au producteur.
Des prélèvements inopinés complémentaires
L’Andra peut procéder à des contrôles plus poussés sur certains colis (cf. plus bas). Ces contrôles inopinés (le producteur n’est pas prévenu) ne sont pas complètement décidés au hasard, comme le précise Philippe Cairon, chef du service surveillance de la qualité des colis. “Nous définissons un programme de prélèvements annuel, précisant le nombre de colis prélevés, le type de colis concernés et les producteurs concernés. Tout colis reçu peut faire l’objet d’un prélèvement pour contrôles, certains étant particulièrement systématiques : nouveaux agréments ou reprise de livraison après suspension.”
Chaque année, ce sont ainsi près de 250 colis (200 au CSA, 50 au Cires) qui sont prélevés au fil des livraisons. Chaque contrôle fait l’objet d’un rapport qui indique s’il s’agit d’une information (colis conforme), d’une observation (anomalie mineure) ou d’un écart (non- respect d’une exigence : présence d’un déchet interdit, activité sous-estimée…). Dans ce cas, l’Andra peut être amenée à interrompre les expéditions, voire à suspendre l’agrément du producteur. Charge à lui d’analyser la cause de l’écart et de proposer des actions correctives et préventives, dont la mise en œuvre sera contrôlée par l’Andra (cf. plus bas).
Contrôles destructifs ou non destructifs, pour une auscultation en profondeur du colis
En plus des contrôles systématiques, l’Andra prélève quelques colis à la livraison pour des contrôles plus poussés.
Des contrôles non destructifs
Le colis prélevé va être pesé, mesuré, et son activité radiologique précisément analysée, grâce à une cartographie détaillée du débit de dose et des mesures par spectrométrie gamma. L’objectif est de vérifier que le contenu du colis est bien conforme à la déclaration du producteur (type de radionucléide, activité…), sans porter atteinte à l’intégrité du colis. Ces analyses sont réalisées sur les Centres industriels de l’Andra dans l’Aube.
Les contrôles plus complexes, de type radiographie X, mesures neutroniques (pour identifier les radionucléides émetteurs de neutrons) ou encore mesures de dégazage, sont réalisés à l’extérieur, par des prestataires spécialisés. Une partie de ces contrôles seront réalisés à partir de 2016 dans une installation dédiée sur le Centre de stockage de l’Aube.
Des contrôles destructifs
Il s’agit cette fois d’aller regarder à l’intérieur du colis. Cela peut se faire par simple ouverture et vidange du colis pour inventaire (notamment pour les colis destinés au Cires). Les déchets sont alors sortis du colis et examinés un à un, puis remis dans leur emballage d’origine pour être stockés. Certains colis doivent par contre être découpés ou subir un carottage. Cette technique permet de prélever un échantillon des différents constituants du colis (enveloppe, matrice, déchets).
Des tests sont ensuite réalisés sur les matériaux prélevés (tests de résistance mécanique, tests de diffusion des radionucléides…) et des analyses radiochimiques sont effectuées afin de vérifier qu’ils ne contiennent pas d’éléments interdits ou soumis à restriction. Les déchets sont finalement reconditionnés conformément aux exigences de l’Andra.
Le contrôle chez le producteur
La surveillance de l’Andra s’exerce aussi chez le producteur, par le biais d’audits, de visites techniques, ou de participations à la surveillance interne. Les explications de Gérald Siffredi, en charge des contrôles chez les producteurs à l’Andra.
Nous intervenons chez le producteur après la notification de l’acceptation. Ces interventions peuvent prendre plusieurs formes. Il y a d’abord les audits au cours desquels les auditeurs balayent les différentes phases de production du colis et les moyens de surveillance mis en œuvre par le producteur. Nous effectuons aussi des visites techniques. Elles concernent une problématique spécifique et sont souvent réalisées dans le cadre du traitement des écarts pour vérifier que les actions correctives définies par le producteur sont correctement appliquées et efficaces.
Enfin, nous pouvons aussi être amenés à accompagner le producteur dans la mise en œuvre de son plan de surveillance interne. Nous réalisons ainsi une cinquantaine de missions par an. Ces contrôles sont réalisés en complément des contrôles informatiques d’admissibilité (via Procom) et des contrôles effectués sur les colis livrés sur les Centres de stockage. Ils permettent d’améliorer notre connaissance des sites et des processus de fabrication des colis.
Et si un colis non conforme était stocké ?
Malgré tous les contrôles effectués en amont et la rigueur du dispositif global, le stockage de colis de déchets ne respectant pas les critères de spécification reste possible. La sûreté ne reposant pas uniquement sur le colis et des marges étant prises sur chacune des composantes du stockage (colis, ouvrage, couverture…), le stockage d’un tel colis n’impacte pas nécessairement la sûreté.
Si cette situation se produit, l’Andra en évalue l’impact et peut décider de laisser le colis dans l’ouvrage ou de le récupérer. Le stockage de colis non conformes reste rare. En voici quelques exemples. En mars 2010, l’Agence détecte lors d’un contrôle inopiné qu’un des colis livrés ne figure pas dans la liste dressée par le producteur dans le cadre de son agrément. Après vérification, le producteur confirme que l’erreur de déclaration d’activité concerne l’ensemble des colis liés à cet agrément, et que cinq autres colis ont été livrés par erreur. La livraison est suspendue, et tous les colis concernés sont recherchés. Ils s’avèrent conformes aux critères d’acceptation du Centre et restent donc sur place.
En 2011, un producteur informe l’Andra que, lors d’un chantier d’assainissement, il a trouvé des munitions datant de la première guerre mondiale à proximité de terres livrées au Cires. L’activité du site est interrompue pour permettre l’intervention du service de déminage, qui découvre deux grenades, fort heureusement inoffensives.
En 2012, un producteur s’est aperçu que huit colis de déchets contenant des détecteurs de fumée avaient été livrés à l’Andra, sans mentionner la présence de sources scellées à l’américium, pourtant interdites sur les centres de surface. Indécelables lors des contrôles, ces dernières ont été stockées dans quatre ouvrages du CSA. Leur faible activité ne posant pas de problème de sûreté, il est décidé de les laisser sur place.