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Delphine Lesquerbault, une thèse en béton

Chaque année, l’Andra accorde plusieurs bourses de thèses sur des thématiques liées à la gestion des déchets radioactifs. C’est ainsi que l’Agence soutient depuis deux ans les travaux de Delphine Lesquerbault sur l’évolution des bétons dans le cadre d’une thèse de génie civil à l’université de Pau et des pays de l’Adour. La doctorante de 25 ans étudie les transformations sur le long terme du béton en contact avec des eaux souterraines. Elle nous explique en quoi consistent ses recherches.

Quel a été votre parcours jusqu’à l’Andra ?

Mon parcours est plutôt atypique. Petite, j’adorais faire des expériences, mélanger des produits. J’ai presque naturellement commencé par faire des études de physique-chimie. Mais en troisième année de licence, ma spécialisation en physique ne me plaisait pas trop. Je rêvais de travailler dans un laboratoire, alors que je passais mon temps en cours sur la relativité et la physique quantique. C’était trop théorique. Du coup, je me suis réorientée vers le génie civil, plus pratique. J’ai dû refaire une troisième année de licence car il y avait beaucoup de notions nouvelles à acquérir. Ensuite, j’ai continué avec un master. C’est là que j’ai commencé à étudier les propriétés des matériaux. En deuxième année, j’ai effectué un stage dans un IUT à Nancy sur la porosité des pâtes de ciment. J’ai exploré les propositions de thèse sur ce sujet et postulé à celle de l’université de Pau et des Pays de l’Adour sur la « modification des propriétés mécaniques et de transfert aux interfaces de bétons bas-pH induites par l’attaque sulfatique et la carbonatation ». Ma candidature a été retenue par l’université et j’ai obtenu la bourse de l’Andra, qui m’accompagne tout au long de mes travaux.

 

Essai mise en place de béton dans un forage au Laboratoire souterrain de l'Andra

Pouvez-vous nous expliquer votre sujet d’étude et en quoi il intéresse l’Andra ?

Dans le projet Cigéo, s’il est autorisé, différents types de béton vont être utilisés, notamment pour les scellements qui fermeront les ouvrages souterrains. Ces bétons vont être en contact avec les eaux de la roche argileuse environnante. Or, béton et argile ont des propriétés chimiques différentes. Afin de limiter les réactions entre les deux matériaux, et favoriser la durabilité des bétons des ouvrages de fermeture, l’Andra envisage notamment un béton qui se rapproche plus de l’argile, avec un pH moins élevé, donc moins basique, que les bétons classiquement utilisés. C’est ce type de béton que j’étudie.

J’essaye de comprendre et de mesurer précisément comment il va réagir à 500 mètres sous terre pendant des centaines de milliers d’années. Même s’ils paraissent imperméables, la roche argileuse et le béton sont légèrement poreux. Au cours du temps, l’eau de la roche chargée en sulfate et en dioxyde de carbone (CO2) va circuler vers le béton, et entraîner des transformations chimiques de ce béton (dissolution de composants solides, précipitation d’autres solides…). J’étudie donc les réactions de ce béton au contact de l’eau du Callovo-Oxfodien. Je cherche à connaître ses propriétés mécaniques en fonction des transformations chimiques, données qui sont indispensables pour vérifier que le béton présentera bien une résistance suffisante et nécessaire face aux contraintes mécaniques auxquelles il sera soumis.

 

Votre thèse ne va pas durer des milliers d’années, comment faites-vous concrètement pour mesurer des évolutions sur le si long terme ?

Effectivement, je dois associer des mesures en laboratoire, de la modélisation (c’est-à-dire mettre en équations les processus de transformation imaginés à partir des mesures) et de la simulation numérique (c’est-à-dire des calculs sur ordinateur résolvant les équations de la transformation). Dans un premier temps, j’ai réalisé des échantillons, qui sont des petits blocs de deux litres de béton, qui correspondent à la formulation que l’Andra envisage pour Cigéo. Je plonge ces échantillons dans des béchers remplis d’eau de compositions chimiques différentes, c’est-à-dire contenant plus ou moins de sulfates et de carbonates. Au bout de quatre mois, j’analyse les échantillons pour vérifier qu’ils se comportent comme les précédentes études l’avaient prédit. Ensuite, ces données d’observation permettent d’alimenter les modèles et les codes de simulation numérique, qui calculent les évolutions à long terme, en situation de stockage.

 

Comment vivez-vous votre thèse ?

C’est assez stressant mais, comme disent mes collègues « c’est la thèse ». Une thèse prend beaucoup d’énergie et j’ai appris à relativiser, à faire autre chose. J’apprécie ainsi beaucoup la région de Bayonne, entre mer et montagne. Je fais des balades, je vais au cinéma, je lis beaucoup de science-fiction notamment.

 

Que connaissiez-vous à la gestion des déchets radioactifs ?

Je connaissais un peu le sujet car je suis originaire de la Haute-Marne. Nous recevions le Journal de l’Andra à la maison. Avec mon lycée, nous sommes venus visiter le site de Bure (Centre de l’Andra en Meuse/Haute-Marne). J’avais beaucoup aimé cette visite, qui nous avait donné une bonne vision d’ensemble du contexte géologique, des expérimentations menées sur place et de l’ingénierie des machines.

 

Comment voyez-vous la gestion des déchets radioactifs aujourd’hui ?

Je me suis rendu compte que les domaines de recherche de l’Andra étaient bien plus vastes que je ne le pensais. Je suis très impressionnée par tous les travaux scientifiques menés autour de Cigéo. C’est passionnant.

 

Comment voyez-vous l’avenir ?

Je n’y pense pas beaucoup, je reste très concentrée sur le présent. J’ai donné quelques cours mais je dois avouer que je préfère la vie de laboratoire. Je trouve difficile d’associer enseignement et recherche. J’espère pouvoir trouver un poste qui me correspond après ma thèse. Peut-être à l’Andra ?

 

 

 

Appel à projets de thèse : l’Andra recherche ses futurs doctorants

Chaque année, l’Andra lance un appel à projets de thèses auprès des laboratoires de recherche afin d’accorder des bourses d’étude à des doctorants scientifiques. Des propositions de sujets de thèses sur des thèmes généraux préalablement définis par l’Andra sont sélectionnées. Les choix sont effectués au regard de la pertinence, de la nouveauté, de l’originalité des sujets, de la robustesse scientifique de la démarche de recherche proposée, et des candidats.