Gestion des déchets radioactifs de démantèlement : les acteurs de l’innovation se mobilisent
L’Andra et l’Agence nationale de la recherche (ANR) organisent le mardi 15 octobre 2019 au Palais des congrès de Paris-Saclay une journée d’échanges et de présentation consacrée à l’innovation en matière de gestion des déchets radioactifs de démantèlement. Un rendez-vous d’intérêt pour la communauté scientifique et industrielle.
En 2014 et 2015, l’Andra et l’ANR organisaient un appel à projets dans le cadre du Programme d’Investissements d’avenir afin de susciter l’innovation en réponse aux enjeux de gestion des déchets de démantèlement. Cet appel à projets visait à mobiliser largement autour de ces sujets, et au-delà du seul secteur nucléaire, acteurs de la recherche et développement (R&D), laboratoires de recherche, PME et grands groupes. Aujourd’hui, 29 projets sont soutenus dans ce cadre. Les explications de Laurence Petit, directrice adjointe Développement, innovation et relations internationales à l’Andra.
Comment l’appel à projets de l’Andra a-t-il été initié et pourquoi ?
L’appel à projets de l’Andra lancé en coopération avec l’ANR s’inscrit dans le cadre du programme d’investissement de l’État français, le Programme d’Investissements d’avenir. L’Andra a reçu une dotation de 75 millions d’euros, lors de la première édition du programme, en 2010. Cette subvention visait à impliquer l’Agence dans les projets qui relevaient de « l’amont du stockage » (caractérisation, traitement et conditionnement des déchets radioactifs, préalables à leur prise en charge en stockage) et plus particulièrement de la gestion des déchets radioactifs dits de démantèlement.
Quelle est la problématique liée à ces déchets ?
La problématique des déchets de démantèlement s’est précisée dès 2012 dans le cadre de l’Inventaire national des matières et déchets radioactifs que l’Andra réalise tous les trois ans. Nous avons identifié qu’un volume important de déchets radioactifs de très faible activité (TFA) allait arriver sur nos centres de stockage, en particulier du fait des prévisions de démantèlement des installations nucléaires. Face à cela, nos capacités de stockage sont limitées et doivent être utilisées au mieux. L’objectif était donc d’anticiper cette situation en soutenant le développement de solutions innovantes capables d’optimiser et de réduire les volumes de déchets à stocker.
Pourquoi l’Andra a-t-elle besoin d’appuis extérieurs sur cette thématique ?
L’implication de l’Andra dans le Programme d’Investissements d’avenir partait du constat que les contraintes et exigences du stockage étaient souvent trop peu – ou trop tardivement – prises en compte dans les projets de gestion des déchets radioactifs. Or, pour optimiser la gestion des déchets radioactifs, il faut considérer l’ensemble du « cycle de vie » des déchets, depuis leur caractérisation, leur traitement, leur conditionnement, jusqu’au stockage. L’idée des « Investissements d’avenir », c’est que l’Andra élargisse sa capacité d’action et participe activement, en lien avec les producteurs de déchets notamment, à l’optimisation de la gestion des déchets radioactifs en France afin d’assurer une vision systémique dans ces projets.
« Pour optimiser la gestion des déchets radioactifs, il faut considérer l’ensemble du « cycle de vie » des déchets, depuis leur caractérisation, leur traitement, leur conditionnement jusqu’au stockage (…) afin d’assurer une vision systémique dans ces projets. »
Comment les projets ont-ils été sélectionnés ?
Nous souhaitions tout d’abord – et assez logiquement – répondre à plusieurs thématiques clés autour de la gestion des déchets de démantèlement. À ce titre, la diversité des 29 projets accompagnés nous a permis de répondre à cet enjeu. Nous souhaitions également financer des projets innovants, et ce quel que soit leur niveau de maturité, depuis la recherche fondamentale jusqu’au développement expérimental, c’est-à-dire des projets pour lesquels la commercialisation est proche.
Enfin, nous voulions favoriser l’innovation ouverte, que les projets soutenus s’inspirent de développements réalisés dans d’autres secteurs pour les adapter aux problématiques des déchets radioactifs, et inversement, que les solutions proposées puissent trouver des débouchés dans d’autres secteurs que le nucléaire.
Donc les porteurs de projets ne sont pas exclusivement issus du secteur nucléaire ?
Non, justement. Nous voulions soumettre nos problématiques à la réflexion de l’ensemble des acteurs de la R&D, et encourager en particulier la participation des TPE/PME. L’intérêt de cet appel à projets, c’est de promouvoir l’innovation et d’ouvrir les problématiques de la filière nucléaire à d’autres acteurs pour faire émerger des idées nouvelles. 50 % des projets que nous soutenons n’impliquent pas les grands acteurs du nucléaire. Certains impliquent d’ailleurs des acteurs de la R&D avec lesquels nous n’étions pas du tout habitués à travailler ! Nous avons par exemple plusieurs projets de recyclage des déchets portés par des acteurs spécialisés dans la gestion des déchets conventionnels. Nous avons aussi plusieurs projets qui au fur et à mesure de leur avancement trouvent des applications au-delà du secteur du nucléaire, dans le secteur médical, le spatial, ou le BTP par exemple.
« L’intérêt de cet appel à projets, c’est de promouvoir l’innovation et d’ouvrir les problématiques de la filière nucléaire à d’autres acteurs pour faire émerger des idées nouvelles. 50 % des projets que nous soutenons n’impliquent pas de grands acteurs du nucléaire. »
Quel bilan tirez-vous de ces deux éditions de l’appel à projets ?
Dans les points très positifs de cet appel à projets, je retiens donc tout d’abord l’ouverture : ouverture à de nouveaux acteurs, ouverture à d’autres domaines. Je retiens également bien entendu l’innovation : le Programme d’Investissements d’avenir a eu un véritable effet incitatif à cet égard. Certaines solutions ont largement été accélérées grâce à ce soutien, quand d’autres n’auraient certainement pas pu voir le jour autrement. Je pense notamment aux projets sur le recyclage des déchets radioactifs (gravats, câbles contaminés, etc.). Aujourd’hui une grande partie des projets dans ce domaine sont soutenus par les Investissements d’avenir. Enfin, je retiens le caractère très collaboratif de ces projets, qui a permis de favoriser le dialogue et renforcer les liens entre l’Andra et les producteurs de déchets sur l’amont du stockage. Nous avons pris le parti de nous impliquer techniquement dans tous les projets. Concrètement, cela signifie que chaque projet est suivi par un expert technique de l’Andra, qui apporte la « vision du stockeur » dans ces projets. Cette démarche a ainsi été l’occasion de faire monter en compétence nos équipes sur ces sujets.
C’est donc au global un premier bilan très positif que nous aurons le plaisir de présenter le mardi 15 octobre prochain au Palais des congrès de Paris-Saclay. Cette journée est ouverte à tous, et j’invite donc les professionnels, tous secteurs confondus, à nous y rejoindre.
Pour aller plus loin : Déchets de démantèlement, recherche collective d’une solution proportionnée