Interview de Valérie Renauld, Directrice de la communication et du dialogue avec la société
« Faire des déchets radioactifs un sujet pris en charge par la société »
Pourquoi l’Andra a-t-elle décidé « d’ouvrir le dialogue avec la société » sur le sujet des déchets radioactifs ?
Parce que le sujet des déchets radioactifs est un sujet de société majeur. Il concerne tous les citoyens : ceux d’aujourd’hui - car c’est notre mode de vie qui génère des déchets radioactifs - et ceux de demain, les plus jeunes, car les déchets radioactifs seront là pour longtemps et les générations futures vivront avec. Face à cette responsabilité collective, il est donc fondamental que le plus grand nombre puisse accéder au sujet et l’appréhender pour en débattre.
Or, force est de constater que cette question reste le plus souvent l’apanage des scientifiques et autres spécialistes, quand elle n’est pas monopolisée par les débats pro ou anti-nucléaire… Pourtant, que l’on soit pour ou contre la poursuite du nucléaire, expert ou néophyte, les déchets radioactifs existent bel et bien. Il faut qu’on donc qu’on puisse en discuter en connaissance de cause et en dépassant les postures idéologiques.
C’est en partant de ces constats que l’Andra a décidé de mettre en place une démarche de dialogue avec la société. Elle vise à intéresser le plus grand nombre à la question des déchets radioactifs, à faire vivre et à élargir la réflexion sur ce sujet qui est à la fois technique et scientifique, mais aussi politique, philosophique, sociétal…
En quoi consiste cette démarche ? Quelles actions peuvent démocratiser le sujet des déchets radioactifs ?
Il s’agit de créer les conditions du dialogue. D’abord en apportant une information la plus précise, vérifiable et transparente possible. C’est ce que nous essayons de faire avec des outils classiques : des journaux et des sites web d’information sur nos activités, des rapports, des plaquettes, des expositions et conférences scientifiques, des visites de nos installations, etc. Mais, il faut aller plus loin. Interpeller, susciter l’intérêt, sensibiliser… pour toucher un maximum de monde : les riverains, les acteurs locaux proches des installations de l’Andra (associations, élus), les citoyens et en particulier les jeunes, mais aussi celles et ceux qui, à première vue, sont éloignés de nos activités et de nos projets. Un engagement que l’Andra a pris à l’issue du débat public de 2013 sur le projet de centre de stockage géologique profond Cigéo.
C’est dans cette perspective que nous initions, ces dernières années, des dispositifs de dialogue innovants comme des partenariats avec des médias, des professionnels de la vulgarisation, des artistes, des influenceurs du web, ou encore des concours de courts-métrages, etc. Autant d’actions et de modalités d’expression différentes qui contribuent à renouveler et à animer le débat (cf. panorama des dispositifs innovants).
L’Andra aurait-elle besoin d’ambassadeurs ?
Non, mais l’Andra ne peut pas être le seul porte-parole de la question des déchets radioactifs ! Elle n’est heureusement pas la seule à avoir une légitimité à s’exprimer. Et on ne peut pas plaquer un discours « tout fait » sur un sujet aussi vaste et complexe que celui-ci. Nous invitons des think-tanks, des associations environnementales ou scientifiques, des artistes, et surtout des jeunes, à prendre la parole. Notre volonté est de leur permettre de donner leur point de vue, avec leur propre mode de pensée et d’expression. Lorsque nous proposons ces collaborations, nous offrons aux contributeurs l’opportunité de s’exprimer et les moyens pour le faire. Mais l’Andra ne maîtrise pas ce qui ressortira d’un facebook live ou d’une initiative de dialogue avec un youtubeur ou une compagnie de théâtre. Éventuellement, nous pouvons apporter nos connaissances techniques, si besoin, mais nous leur donnons carte blanche. Chacun est libre de s’exprimer comme il veut.
Quels sont les résultats de ces initiatives ? Portent-elles leurs fruits ?
L’objectif n’est pas de mesurer des résultats. Néanmoins, ce que nous constatons, c’est que lorsqu’un youtubeur, par exemple, s’empare du sujet avec sa propre vision des choses et ses propres mots, un débat constructif se crée dans sa communauté. L’opération menée avec Anonimal, David Sheik et Simon Puech a généré des milliers d’échanges sur la toile. Des discussions se forment sur Twitter… Finalement, la façon de parler des déchets radioactifs importe autant que le fait que l’on en parle. Encore une fois, l’essentiel est d’amener de nouveaux publics à contribuer et à s’impliquer. C’est à cette condition que nous ferons de la gestion des déchets radioactifs un sujet de société, pris en charge avec et par la société.