La physique des particules pour mieux comprendre l’univers
Élucider les mystères de l’univers, ses origines, son évolution, tels sont les grands défis du CERN, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire. Au sein de son laboratoire, de complexes installations, telles que des accélérateurs de particules, ont permis des avancées notables pour la science. Leur fonctionnement peut entraîner la production de déchets radioactifs, dont le stockage est assuré en partie par l’Andra.
Situé à cheval sur la frontière entre la France et la Suisse, le CERN est le plus grand laboratoire de physique des particules du monde. Ici, des scientifiques du monde entier sont amenés à travailler sur des installations hors normes, où la majeure partie des expériences se passe sous terre. Utilisant des accélérateurs de particules et d’immenses détecteurs, les physiciens étudient au CERN les constituants fondamentaux de la matière, pour mieux comprendre l’origine de l’univers.
Avec 27 km de circonférence, le grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN, le plus puissant accélérateur du monde, impressionne tant par ses dimensions que par son fonctionnement : dans son anneau circulaire, composé notamment de plus de 1200 aimants supraconducteurs refroidies à l’hélium liquide, des protons circulent à une vitesse proche de celle de la lumière et s’entrechoquent (plusieurs centaines de millions de collisions chaque seconde) dans des conditions similaires à celles qui ont suivi le big bang, à l’origine de l’univers. Ce sont les particules créées lors de ces collisions qui intéressent les scientifiques.
Les expériences au CERN ont permis la découverte de nouvelles particules, par exemple celles qui entrent en jeu dans les mécanismes de la force faible, force à l’origine de la fusion nucléaire dans les étoiles et de la radioactivité. En 2013, deux théoriciens, François Englert et Peter Higgs, ont reçu le prix Nobel de physique suite à la démonstration, par le CERN, de l’existence du boson de Brout-Englert-Higgs. Ce boson est une particule élémentaire impliquée dans un mécanisme fondamental expliquant pourquoi les autres particules comme les protons ou les électrons ont une masse. Ce mécanisme constitue en quelque sorte la clef de voute du modèle standard.
Des expériences à l’origine de déchets radioactifs
L’exploitation des accélérateurs du CERN et les expériences qui y sont menées ont pour conséquence la production de déchets radioactifs et notamment des déchets de très faible activité (TFA) et de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC). « Ces déchets proviennent essentiellement des opérations de maintenance préventive et corrective. La majeure partie est constituée de composants, principalement métalliques, de filtres à air ou encore de déchets technologiques (gants, combinaisons, etc.). Il y a également une quantité importante de câbles, qui servent par exemple à alimenter les accélérateurs en courant électrique. Sans oublier les déchets de démantèlement, comme les bétons des murs ou des sols, lors de la modification ou du remplacement des expériences », explique Gérald Dumont, chef de la section de gestion des déchets radioactifs au CERN.
Selon un accord tripartite, signé en 2010, entre la France, la Suisse et le CERN, les déchets radioactifs produits par l’Organisation sont pris en charge par les deux Pays-hôtes, selon les filières mises en place et en conformité avec leur législation nationale (voir encadré). « Ce principe est définie dans l’accord et sa mise en œuvre est précisée dans des décisions qui peuvent être revues si nécessaire. La dernière décision de mars 2022 clarifie la répartition entre les deux pays des déchets FMA ; elle complète également les indicateurs de suivi qui permettent de mesurer la répartition », précise Gérald Dumont.
En France, le CERN fait appel à l’Andra pour la prise en charge de ses déchets TFA au Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires). « Depuis 2012, l’Andra a stocké plus de 2700 m3 de déchets TFA provenant du CERN, et nous travaillons avec eux pour stocker prochainement leurs déchets FMA-VC au Centre de stockage de l’Aube (CSA). Certains déchets métalliques arriveront sous forme de lingots après fusion à l'usine de Centraco (dans le Gard) ; d'autres seront directement conditionnés en caisson injectable avant d'être transportés au CSA », détaille Jean-Baptiste Rioual, chargé d'affaires à l’Andra.
Le CERN a également une attitude proactive pour la prise en charge de ses déchets futurs. Il étudie avec l’Agence les solutions pour réduire le plus en amont possible la production de déchets radioactifs et faciliter leur gestion en aval. « Il s’agit par exemple de choisir les types de matériaux les plus appropriés pour les composants qui constituent les différentes installations du CERN. Nous travaillons aussi à ce que certains composants spécifiques, qui seront à stocker, soient conçus pour répondre aux critères d’acceptation des centres de l’Andra et nous faisons en sorte de réutiliser, dans la mesure du possible, les composants activés pour minimiser la quantité de déchets radioactifs produits », conclut Gérald Dumont.
Un partage équitable des déchets radioactifs entre la France et la Suisse
L’implantation du CERN, à cheval sur la frontière franco-suisse, implique une élimination des déchets radioactifs vers ces deux pays. L’accord du 15 novembre 2010 entre le CERN, le Conseil fédéral suisse et le gouvernement français, relatif à la protection contre les rayonnements ionisants et à la sûreté des installations du CERN, encadre cette élimination. Il stipule que les déchets radioactifs doivent être éliminés dans les deux Pays-hôtes via les filières techniquement et économiquement les plus avantageuses.
L'Office fédéral de la santé publique (OFSP)(1), pour la Suisse, et l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), pour la France ont récemment précisé les modalités de cette répartition dans une décision du 14 mars 2022. Cette décision maintient l’élimination vers la Suisse des déchets devenus non-radioactifs (après libération inconditionnelle) et vers la France des déchets TFA. Le CERN produit également de petites quantités de déchets FMA, qui, pour les plus radioactifs et les vies-longues, sont destinés à être stockés dans le futur stockage géologique profond, en Suisse(2), alors que les déchets FMA les moins radioactifs, respectant les critères de l’Andra pour les déchets FMA à vies-courtes, sont destinés au Centre de Stockage de Surface (CSA), en France.
Des indicateurs de répartitions sont scrutés périodiquement lors de séances tripartites entre le CERN, l’ASN et l’OFSP ; ils permettent de comparer et de mesurer la répartition entre la France et la Suisse des déchets radioactifs du CERN.
(1)L’OFSP est responsable du contrôle des installations nucléaires suisses relatives aux activités médicales, industrielles et de recherche, ainsi que de la gestion des déchets radioactifs de ce secteur.
(2)En Suisse, la totalité des déchets radioactifs du pays sera stockée en couche géologique profonde.