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L'inventaire : un travail collaboratif

Le comité de pilotage de l’Inventaire national mis en place par l’Andra rassemble des représentants de l’État, des instances de contrôle (ASN, CNE), des producteurs et de la société civile, via les associations ou les commissions locales d’informations. Le Journal de l’Andra est allé interroger plusieurs de ses membres, ainsi qu’un producteur participant au groupe de travail sur l’inventaire. Morceaux choisis.

Louis-Marie Gard

Adjoint au chef du bureau politique publique et tutelles à la sous-direction de l’industrie nucléaire de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) au ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie.

L’Inventaire national est le socle sur lequel est bâti le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Il répond à un double impératif. D’abord un impératif technique d’exhaustivité. Il est en effet indispensable de dresser la liste complète des déchets et matières pour lesquelles des filières de gestion doivent être structurées. Ensuite un impératif de transparence et de pédagogie. Il s’agit de transmettre une information objective et compréhensible par tous sur les activités des filières nucléaires. Un équilibre que les différents documents de l’inventaire permettent d’atteindre.

Sur l’exercice 2015, la DGEC a souhaité mettre l’accent sur les matières radioactives. L’objectif était d’obtenir un panorama complet du cycle du combustible nucléaire, avec une vision à date des flux en termes d’entreposage et de traitement. L’utilisation ultérieure de certaines matières est suspendue à des choix politiques et industriels qu’il convient de préparer collectivement. L’ouverture d’une réflexion sur l’avenir des matières radioactives en fonction de différents scénarios prospectifs était d’ailleurs une demande exprimée dans le cadre du débat public de 2013 sur Cigéo.

« Il faut ouvrir dès maintenant le débat sur la gestion des matières »

Jérémie Vallet

Adjoint au chef de la mission sûreté nucléaire et radioprotection, service des risques technologiques de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) au ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie.

La DGPR est co-signataire avec la DGEC de l’arrêté qui modifie les demandes faites aux producteurs concernant les données qu’ils doivent transmettre à l’Andra. Celui-ci met notamment l’accent sur les prévisions. Pour le décideur politique, il est nécessaire d’avoir des prévisions les plus précises possible pour mener une politique de gestion des déchets. Notre intérêt à tous est de faire en sorte que l’information sur les déchets soit certes la plus complète, mais aussi la plus compréhensible possible. Les focus sur le démantèlement et le traitement des déchets témoignent de ce souci de pédagogie.

L’inventaire numérique a quant à lui donné lieu à des discussions animées entre les producteurs, parfois inquiets de mettre leurs données à la disposition de tous, et les associations, soucieuses de transparence. C’est une des forces de ce comité de mettre autour de la table des acteurs aux opinions parfois divergentes.

« Des prévisions fiables pour le décideur politique »

Bernard Le Lan

Représentant de l’Union nationale des associations familiales (UNAF).

Lorsque l’Andra nous a sollicités pour participer au comité de pilotage de l’inventaire, nous avons accepté avec plaisir. Notre rôle ne consiste pas à rentrer dans la technique mais à voir comment les familles peuvent percevoir les documents édités. Sont-ils suffisamment clairs ? Y a-t-il des points à expliciter ? J’ai notamment insisté pour que l’on donne des explications sur le financement, le coût et les techniques de démantèlement. En effet, on entend régulièrement parler dans la presse d’une augmentation des tarifs de l’électricité pour financer le démantèlement. J’ai moi-même appris que des opérations de ce type étaient déjà en cours, et que finalement, ce sont des techniques bien maîtrisées.

Autre point qui reste à mon sens à préciser : les données concernant le secteur médical. Par exemple, les familles ont finalement très peu d’informations sur les risques générés par les techniques de scintigraphies, de radiothérapie… Un aspect à améliorer dans les prochaines éditions !

« Un réel souci de pédagogie »

Loïc Tanguy

Chef du bureau de la gestion des déchets radioactifs à l’ASN.

L’ASN est chargée d’élaborer avec le gouvernement le Plan national de gestion de matières et déchets radioactifs (PNGMDR), Plan qui sera transmis au Parlement à la fin de l’année. Son but : proposer des pistes d’amélioration des filières existantes de gestion des déchets radioactifs, cadrer la mise en place de nouvelles filières pour les déchets qui n’en ont pas et établir une vision à moyen terme des besoins d’installations d’entreposage et de stockage. Pour cela, nous avons besoin d’avoir une vision claire et précise de l’état initial et des flux à venir, pour les déchets comme pour les matières.

L’Inventaire national est donc une pièce essentielle pour la rédaction du PNGMDR et il est important que les hypothèses sur lesquelles il est bâti soient cohérentes avec les orientations que va donner le PNGMDR. Le comité de pilotage de l’inventaire veille à ce que les données transmises par les producteurs soient fiables et exhaustives. Il fixe en outre les hypothèses de base des scénarios prospectifs. C’est une bonne chose que celles-ci soient discutées au sein d’un comité pluraliste, où chacun peut s’exprimer et faire valoir son point de vue. Cela légitime le travail réalisé, qui est factuel et ne doit pas être sujet à polémique.

« Des hypothèses partagées pour préparer l'avenir »

Christine Lamouroux

Responsable du service soutien technique de la direction Matières et Déchets d’Areva.

C’était ma première participation au Comité de pilotage de l’inventaire, et j’ai eu le sentiment que c’était un véritable lieu d’échange, d’écoute et de discussion. Gage de transparence vis-à-vis du public, l’inventaire est aussi bénéfique pour nous car il permet de cadrer cet exercice en interne. Il faut toutefois veiller à ce que l’excès de détails ne nuise pas à la clarté de l’ensemble. C’est une procédure lourde chez nous : chaque site établit sa propre déclaration (soit une cinquantaine de fiches en tout), puis la cohérence de l’ensemble est supervisée et consolidée par la direction Matière et Déchets radioactifs.

Nous devons en plus nous assurer de la cohérence avec les inventaires de matières radioactives que nous réalisons par ailleurs et qui ont chacun leur format ; par exemple nous avons un exercice spécifique aux matières pour le Haut Comité à la transparence sur l’information et la sécurité nucléaire (HCTISN). Un point délicat abordé en comité a concerné la mise à disposition des données sur le site de l’inventaire « open data ». Nous ne sommes pas farouchement opposés à cette ouverture, mais nous estimons qu’il faut des garde-fous ! Il nous semble dangereux de permettre aux internautes d’aller piocher les données qui les intéressent pour les réutiliser, au risque d’en tirer des interprétations erronées.

 

« Le Comité de pilotage de l’inventaire : un véritable lieu d’échange, d’écoute et de discussion »

Pierre-Philippe Vistoli

Responsable déchets du centre CEA de Cadarache.

En tant que responsable déchets, je suis chargé de saisir les données (stocks de déchets et de matières) sur l’application de télédéclaration de l’Andra pour les centres CEA de Cadarache et de Grenoble. Je vérifie aussi la cohérence des déclarations des autres centres CEA civils (Marcoule, Fontenay, Saclay). Enfin, je participe au groupe de travail de l’Andra sur l’inventaire depuis sa création en 2005. C’est l’occasion d’échanger avec l’Andra et les autres producteurs sur leurs attentes, les difficultés que nous pouvons rencontrer pour remplir les déclarations. Le nouvel arrêté nous demande d’être beaucoup plus précis, notamment en ce qui concerne les flux de matières radioactives et leur dénomination. Nous sommes passés de 6 catégories à 18 ! Un niveau de précision qui n’est pas adapté à notre activité d’organisme de recherche, où se sont souvent de toutes petites quantités de matière qui circulent.

Autre nouveauté : la distinction des déchets générés par l’exploitation de ceux issus du démantèlement tant pour les stocks que pour les prévisions de production aux horizons 2020, 2030 et à terminaison de toutes les installations du CEA civil. Pas facile sans une idée précise du calendrier de démantèlement ! De plus, l’arrêté n’est paru que fin avril, pour des déclarations à effectuer avant la fin juin, ce qui nous a laissé très peu de temps pour nous adapter ! Mais j’ai eu le sentiment que ces échanges étaient constructifs, chacun ayant à cœur de progresser.

« Des échanges constructifs, malgré un arrêté trop tardif ! »

Monique Sené

Vice-présidente de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli).

Membre du comité de pilotage de l’inventaire depuis son ouverture à la société civile en 2009, j’estime que nous avons beaucoup progressé au fil des ans. L’inventaire repose sur les déclarations des exploitants. L’Andra fait beaucoup de recoupements de façon à être sûre des chiffres qu’elle publie. Le comité de pilotage peut poser des questions, demander des précisions aux exploitants qui y siègent. Il y a une vraie volonté commune de cohérence et d’exactitude. Le nouvel arrêté a précisé les attentes en matière de déclaration de prévisions. C’est une bonne chose.

Il y a aussi eu des progrès sur le volet sur le démantèlement, avec des estimations qui restent incertaines, mais qui ont le mérite d’exister ! Des explications ont aussi été apportées à notre demande sur les sites d’entreposage, ainsi que sur la distinction entre le contenu radioactif artificiel et la radioactivité naturelle des déchets. Enfin, les éléments de prospectives ont été introduits qui permettront à l’Andra d’anticiper un certain nombre des questions qui se poseront à l’avenir. En matière de déchets radioactifs, ça fait tellement d’années qu’on n’anticipe pas, il est grand temps de s’y mettre !

« Une volonté commune d’exhaustivité et de clarté »