Marvin Middelhoff ausculte les argiles
Marvin Middelhoff, doctorant, bénéficie de l’une des bourses de thèse directement financées chaque année par l’Andra sur des sujets liés aux déchets radioactifs. Depuis trois ans, il étudie à Nancy le comportement d’un mélange de deux types d’argiles : la bentonite et les argiles du Callovo-Oxfordien, qui pourraient être utilisées comme matériaux de remblais dans Cigéo, le projet de stockage géologique des déchets les plus radioactifs. Il nous décrit ses recherches.
Quel a été votre parcours jusqu’à l’Andra ?
Je suis originaire de Rheine, près de Münster en Allemagne. J’ai fait ma licence et ma première année de master d’ingénieur géotechnique à l’université technologique de Clausthal, qui a un département très reconnu sur les mines et les géotechniques. J’y ai suivi une spécialisation sur les déchets radioactifs grâce à un professeur qui collabore régulièrement avec l’Andra et les plus grands organismes mondiaux sur le sujet. À la fin de mon master, j’ai eu connaissance d’une proposition de thèse soutenue par l’Andra au Laboratoire énergies & mécanique théorique et appliquée de l’université de Lorraine et du CNRS à Nancy (LEMTA) et j’ai postulé. J’ai été retenu et je suis donc venu vivre en France, ce que je n’avais jamais imaginé.
En quoi consistent vos travaux et pourquoi intéressent-ils l’Andra ?
Ma thèse s’inscrit dans le cadre des travaux de recherche sur le projet Cigéo, le stockage géologique des déchets les plus radioactifs, dont l’implantation est prévue à 500 mètres de profondeur dans la couche argileuse du Callovo-Oxfordien. Compte tenu de la très longue période durant laquelle les déchets vont rester radioactifs, c’est le milieu géologique qui joue le rôle principal de barrière pour limiter et ralentir le déplacement d’éléments radioactifs jusqu’à la surface. Pour assurer ce confinement à long terme, il est prévu de sceller Cigéo une fois tous les colis stockés. Pour cela, on va notamment remblayer les galeries et les accès entre la surface et le fond (puits et descenderies) qui auront été creusés pour l’exploitation. Je travaille sur les matériaux que l’on prévoit d’utiliser comme remblais.
L’Andra souhaite réutiliser une partie de la roche excavée lors du creusement de Cigéo, seule ou mélangée avec de la bentonite, une argile qui a la propriété de gonfler au contact de l’eau. En effet, l'eau est présente naturellement au sein du milieu géologique dans lequel sera implanté le stockage, bien qu'elle y circule très lentement.
Concrètement, que faites-vous ?
Durant ma première année et une bonne partie de ma deuxième année de thèse, j’ai passé beaucoup de temps en laboratoire à faire des expérimentations.
J’ai d’abord étudié l’influence de l’eau sur le comportement mécanique du mélange de la bentonite et des argiles du Callovo-Oxfordien. J’ai testé différents types d’eau, plus ou moins alcaline ou saline, et observé le gonflement des échantillons pendant une dizaine de jours. Pour étudier le comportement hydraulique du mélange, j’ai soumis des échantillons à différentes pressions d’eau pour voir comment l’eau s’écoulait. Ce sont des essais longs, qui se passent sur treize mois. La troisième phase de mon travail consiste à étudier les différences de comportement mécanique et hydraulique du mélange sous deux états : d'un côté un état saturé – on dit qu’un matériau est saturé s’il est uniquement composé d’éléments solides et d’eau ; de l'autre un état où de l'air circule encore.
Au total, j’ai analysé les résultats de plus d’une centaine de tests, effectués sur de petits échantillons. J’écris également un ensemble d’articles qui constituera la majeure partie de ma thèse que je devrais soutenir avant la fin de l’année 2020.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce sujet ?
Petit-fils et arrière-petit-fils de mineurs, je suis le premier de ma famille à avoir passé l’Abitur, l’équivalent du bac en Allemagne. Étudier les ouvrages souterrains est une façon de m’inscrire dans cette tradition familiale. Lors d’un voyage d’étude avec mon université, nous sommes venus en France et nous avons visité le Laboratoire souterrain de l’Andra en Meuse/Haute-Marne, ainsi que les centres industriels de l’Aube. Ça m’a passionné.
Le sujet des déchets radioactifs m’intéresse car au-delà des nombreux défis techniques, c’est un sujet de société. Il est important de communiquer sur les déchets radioactifs, d’être dans le dialogue pour expliquer pourquoi leur gestion est si importante. Si j’avais travaillé sur d’autres domaines miniers ou sur les hydrocarbures, les questions n’auraient été que techniques et industrielles.
Pour moi, la question des déchets radioactifs est une des plus complexes que notre société doit résoudre. Je suis content d’y apporter ma contribution scientifique.
Et après ?
J’aimerais bien continuer à travailler sur les déchets radioactifs en général, même si les compétences que j’ai acquises peuvent s’appliquer à d’autres domaines. J’apprécie beaucoup l’encadrement qui m’est offert par l’Andra et par le LEMTA. J’aime la vie en France et je me suis fait des amis de toutes les nationalités.