Quel avenir pour la couverture du Centre de stockage de la Manche ?
La surveillance, l’entretien et les travaux menés par l’Andra permettent de s’assurer du bon comportement de la couverture du Centre de stockage de la Manche (CSM). Aujourd’hui, on observe que les talus ont tendance à glisser lentement. C’est pourquoi l’Andra doit réaliser un certain nombre de travaux et démontrer que le centre est prêt pour entrer en phase de surveillance.
À l’issue de l’instruction du dernier réexamen de sûreté du CSM, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) [voir encadré] a confirmé les orientations proposées par l’Andra pour le devenir de la couverture. L’autorité recommande la poursuite des études pour garantir la pérennité de la couverture du centre. « Deux principaux sujets sont à l’étude, explique Julien Recarte, directeur du Centre de stockage de la Manche. D’une part, la raideur des pentes de la couverture qui occasionne par endroits des glissements de terrain. D’autre part, les infiltrations d’eau de pluie en pied de talus, en particulier dans une zone localisée au nord-est du site. »
Le point sur le dernier réexamen de sûreté du CSM
Tous les dix ans, comme toutes les installations nucléaires, le CSM remet à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un dossier de réexamen de sûreté. Cet exercice vise à vérifier la conformité des installations au regard des règles qui lui sont applicables et à procéder à une analyse globale de sa sûreté. Le 4 juin 2024, l’ASN a publié ses conclusions : « Le dispositif de surveillance actuellement mis en œuvre par l’Andra permet une compréhension satisfaisante du comportement du stockage. La surveillance du centre et de son environnement ne met pas en évidence d’écart par rapport à l’évolution attendue du stockage, les rejets mesurés dans les réseaux de collecte du centre et dans la nappe présentant une tendance générale à la baisse de leur activité radiologique. »
En vue de la fermeture du site et de son passage en phase de surveillance, l’ASN a demandé à l’Andra :
- d’évaluer les enjeux associés à la reprise des colis contenant des déchets à vie longue ;
- de présenter un calendrier de travaux d’amélioration de la robustesse de la couverture et de préciser la date à laquelle la demande d’autorisation de fermeture sera déposée ;
- de réévaluer la durée de la phase de surveillance.
Pentes sous surveillance
L’Andra propose de continuer à stabiliser les talus en adoucissant la pente. « Ces travaux vont permettre de limiter fortement les glissements en ramenant les pentes de 43 % à 33 %, mais sans modification de l’emprise foncière », indique le directeur du centre.
Pour traiter les infiltrations parasites localisées à certains endroits en bordure de la couverture, une solution est à l’étude pour renforcer l’étanchéité de la partie basse des talus : recouvrir les pentes de la couverture, de leur crête à la clôture du site, avec un matériau étanche. Mais la solution technique n’est pas encore arrêtée. Il pourrait s’agir de très grandes tuiles, surnommées « mégatuiles », de 4 centimètres d’épaisseur fabriquées avec un béton spécial de très haute performance, ou d’une couche de béton bitumineux similaire à celui utilisé pour réaliser l’étanchéité des digues et des barrages, ou encore d’une nouvelle géomembrane en surface, sous une couche de graviers.
« Il nous faut également intégrer dans nos études les impacts du changement climatique, conclut Julien Recarte. Selon les évolutions possibles, certains scénarios peuvent plaider pour un moindre recours à la végétation, d’autres pour la conserver. Il nous faut tout envisager. »
Un rayonnement à l'international
Premier centre de stockage à avoir été recouvert en vue de sa phase de surveillance, le Centre de stockage de la Manche est une référence dans le monde entier. « Il existe beaucoup de démonstrateurs et d’études, mais ici nous disposons d’un cas pratique qui permet de vérifier les modèles et d’affiner la surveillance », relève Albert Marchiol, géologue à l’Andra. En octobre 2019, la rencontre annuelle de Disponet, le réseau international d’agences et de sociétés en charge de la gestion des déchets radioactifs, a ainsi eu lieu à Cherbourg-en-Cotentin. « Nos homologues étrangers sont très demandeurs de notre expérience, poursuit Albert Marchiol. L’Andra est reconnue pour son expertise unique et la qualité de ses démonstrations de sûreté à long terme. Nous mettons en place des centres qui vont rester en place plusieurs centaines de siècles, voire des millénaires pour Cigéo. Et nous le faisons dans le souci des générations futures. »
En mars 2023, Albert Marchiol représentait l’Andra au congrès international Waste Management de Phoenix, où il a détaillé les solutions mises en œuvre dans la Manche pour la couverture du stockage.
Démonstration en cours
Un démonstrateur de « mégatuiles » simulant la couverture d’un talus avec des tuiles triangulaires de 1 tonne et de 2 mètres de côté a déjà été réalisé. « Pour être parfaitement efficace, cette solution nécessiterait 3 à 4 mètres d’emprise foncière supplémentaire pour installer un système de collecte des eaux de pluie au nord et à l’est du site », précise Julien Recarte.
Les études sur toutes les pistes envisagées se poursuivent. L’Andra prévoit de remettre ses propositions d’évolution de la couverture à l’ASN à l’horizon 2027-2028, ce qui pourrait permettre de réaliser des premiers travaux en 2034-2035. « Une fois ces travaux effectués, et avec un premier retour d’expérience, nous pourrions formaliser une demande de fermeture du site pour passage en surveillance pour au moins trois cents ans », estime Julien Recarte.