Tremblements de terre : le CSM à l’épreuve du temps
Les tremblements de terre font partie des risques naturels pris en compte dans le dimensionnement des installations du Centre de stockage de la Manche (CSM). Si les connaissances scientifiques progressent d’année en année, ce phénomène interroge, jusqu’à la commission locale d’information (Cli) du CSM.
Le 28 février 2022, une petite secousse sismique a été enregistrée à Herqueville (La Hague), à quelques kilomètres à vol d’oiseau du CSM. D’une magnitude locale de 2,2, elle était imperceptible pour les habitants en raison de sa très faible intensité, évaluée à 1 sur l’échelle MSK (échelle de 1 à 12). Cet événement, plutôt rare dans la région, a amené la Cli du CSM à demander un point sur la capacité du CSM à résister à un séisme lors de l’assemblée générale qui s’est tenue en juin dernier.
Les équipes de l’Agence ont également présenté les suites données à une étude scientifique réalisée par l’université de Caen : celle-ci proposait une révision de la magnitude et de l’intensité d’un séisme survenu en 1926 au large de Jersey. Ce séisme est pris comme référence pour modéliser la robustesse des installations du CSM. « Pour ce qui concerne le CSM, la sismicité est considérée de faible à modérée, explique Frédéric Ego, ingénieur géologue spécialiste des séismes à l’Andra. Le séisme de Jersey est survenu au sud de l’île, à environ 13 km de profondeur, et sa magnitude est estimée à 5,2. C’est un séisme modéré, mais le plus important, mesuré à proximité du CSM par les sismomètres de l’époque. »
Un séisme est une secousse du sol résultant de la rupture brutale de deux blocs de l’écorce terrestre. Une fracturation des roches se produit en profondeur avec une libération soudaine de l’énergie (qui définit la magnitude). Les ondes sismiques se propagent jusqu’à la surface où leur intensité, qui dépend de la distance à l’épicentre, est estimée à partir des effets ressentis ou observés : vibration du sol, déformation en surface, tsunami, etc.
Un phénomène naturel qui mobilise la communauté scientifique
La science des séismes, la sismologie, est assez récente. Les premiers outils pour détecter et mesurer les séismes ont vu le jour au début du XXe siècle. Les données enregistrées au moment du séisme de Jersey peuvent comporter une marge d’incertitudes. C’est pourquoi les scientifiques de l’université de Caen*, grâce aux connaissances acquises depuis cent ans, ont proposé une nouvelle évaluation de ce séisme : il serait survenu à 6 km de profondeur (au lieu de 13 km), avec une magnitude de 5,6 (au lieu de 5,2). L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a donc demandé à l’Andra de mener une analyse de cette nouvelle évaluation du séisme de Jersey de 1926. L’objectif est double : évaluer l’impact de la magnitude révisée sur le site de la Manche grâce à une étude de sensibilité ; déterminer si ces nouveaux résultats doivent devenir la référence.
Cette contre-expertise, menée avec les auteurs de l’étude de l’université de Caen, a donné lieu à une nouvelle publication scientifique, à laquelle se sont associés Orano et EDF (qui ont également le séisme de Jersey comme référence pour leurs sites respectifs de La Hague et de Flamanville). Ses conclusions confirment les données initiales retenues par l’Andra.
* D. Amorèse – Université de Caen – et al., 2020, rang A+
De l’identification du risque séisme à la démonstration de sûreté
Les exploitants de sites nucléaires comme l’Andra ont l’obligation de démontrer la robustesse de leurs installations. Frédéric Ego détaille : « Notre méthodologie de calcul consiste à supposer que des séismes similaires à celui de Jersey sont susceptibles de se reproduire, avec des effets plus pénalisants en matière d’intensité sur le site, tout en restant compatible avec Les tremblements de terre font partie des risques naturels pris en compte dans le dimensionnement des installations du Centre de stockage de la Manche (CSM). Si les connaissances scientifiques progressent d’année en année, ce phénomène interroge, jusqu’à la commission locale d’information (Cli) du CSM. Tremblements de terre : le CSM à l’épreuve du temps les données géologiques et sismologiques. C’est ce que l’on nomme “séisme maximal historiquement vraisemblable”. À partir de là, nous définissons le séisme majoré de sécurité en augmentant la magnitude du séisme de référence de 0,5 et son intensité de 1 afin de garantir un niveau de sécurité encore supérieur. » Autrement dit, les ouvrages de génie civil et la couverture du CSM sont conçus pour résister à des séismes d’une magnitude de 5,7 et d’une intensité de 8.
Ce calcul fait l’objet de réévaluations périodiques, notamment lors des réexamens de sûreté effectués tous les 10 ans, comme cela a été le cas récemment pour le CSM. Ce travail permet de prendre en compte l’évolution des méthodes et des connaissances géologiques et sismologiques, et peut conduire à une modification sensible de l’aléa sismique. Cela impose des vérifications de la tenue au séisme des installations et des équipements avec les éventuels nouveaux paramètres. La dernière réévaluation menée pour le CSM a confirmé les données retenues par l’Andra. Le dimensionnement des installations est suffisant pour résister à un séisme équivalent au séisme majoré de sécurité.