Autoradiographie : la radioactivité en images !
Mieux caractériser les radionucléides difficiles à mesurer : c’est l’objectif du projet MAUD, soutenu par l’Andra dans le cadre de son appel à projets organisé avec l’ANR(1). Il propose de mettre au point un dispositif innovant pour cartographier les radionucléides émetteurs de rayonnements alpha et bêta directement sur les sites en démantèlement.
Dans le cadre des projets de démantèlement, il est indispensable de pouvoir localiser et caractériser les radionucléides présents sur les zones à assainir. L’enjeu est double : mieux maîtriser les risques d'exposition pour les travailleurs et respecter les exigences du stockage des déchets radioactifs. Or, si les techniques d’imagerie sont aujourd’hui bien développées pour les émetteurs de rayonnements gamma, les émetteurs alpha et bêta(2) (tritium et chlore 36 notamment) restent difficilement mesurables. Des prélèvements doivent être effectués et envoyés en laboratoire pour des analyses plus fines.
Une image lisible de la radioactivité
Ces opérations longues et coûteuses pourraient bientôt être allégées grâce à l’innovation sur laquelle travaillent depuis 2016 le CEA de Saclay, l’Institut de Chimie des Milieux et des Matériaux (IC2MP) de l’université de Poitiers et la PME ARL (Ateliers Laumonier) dans le cadre de l’appel à projets Andra. « Notre objectif est de développer un imageur transportable permettant de réaliser des analyses directement sur le site et en temps réel », résume Pascal Fichet, ingénieur-chercheur au CEA et coordinateur du projet. Les partenaires du projet se sont inspirés d’une technique d’imagerie utilisée de longue date en pharmacologie et en biologie pour suivre le devenir des molécules dans les tissus : l’autoradiographie. « Elle repose sur le même principe que la radiographie classique, à la différence près que la source de rayonnement n’est pas externe (via des rayons X par exemple), mais interne : le rayonnement provient de l’échantillon dont on produit l’image, explique Pascal Fichet. Nous l’avons appelée autoradiographie digitale car elle fournit une image lisible, sur écran, de la radioactivité. »
Un projet de recherche appliquée
Plusieurs adaptations ont été nécessaires pour transposer cette méthode d’analyse aux contraintes du démantèlement. « Sur les sites concernés, le “bruit de fond” radioactif(3) est forcément très présent et le détecteur doit être capable de se concentrer uniquement sur la contamination des sols et des matériaux, souligne Pascal Fichet. La résolution spatiale n’a pas besoin d’être aussi fine qu’en biologie, où l’on observe des cellules d’une dizaine de microns. En revanche, la sensibilité doit être extrême pour obtenir une mesure exacte. » D’autres critères ont été pris en compte afin de faciliter la commercialisation ultérieure du dispositif : sa dimension (pour pouvoir être transporté sur site), sa capacité à fournir des images en temps réel, sa simplicité d’utilisation et bien sûr son coût. « MAUD est un projet de recherche industrielle, rappelle Pascal Fichet. Il doit aboutir à un démonstrateur dont les caractéristiques répondent aux attentes du marché, y compris sur le plan économique. »
Après deux ans de recherche, les choix technologiques ont été figés. Le capteur du futur imageur a fait l’objet d’un dépôt de demande de brevet et la construction du démonstrateur a commencé. Ce dernier devrait être prochainement validé. Selon les performances démontrées, d’autres applications pourraient être envisagées, pour des projets d’assainissement de sites pollués par la radioactivité, par exemple.
(1)Agence nationale de la recherche.
(2)Les rayonnements alpha, bêta et gamma sont la conséquence des désintégrations d’atomes radioactifs, c’est-à-dire de la transformation successive d’atomes instables pour devenir plus sables.
(3)Rayonnements émis par les éléments radioactifs naturels.
29 projets innovants
Le projet MAUD est l’un des lauréats de l’appel à projets « Optimisation de la gestion des déchets radioactifs de démantèlement », organisé par l’Andra et l’ANR avec le soutien financier du programme « Investissements d’avenir ». Au total, 29 projets ont émergé des deux appels lancés en 2014 et 2015. Ils couvrent quatre domaines : la caractérisation des déchets, leur tri et leur traitement, les nouveaux matériaux de conditionnement, ainsi qu’un volet de sciences humaines et sociales sur l’innovation et la société.