Changer d'echelles d'espace et de temps
La simulation numérique est le seul moyen d’obtenir des résultats sur des durées allant de l’instantané au million d’années et de l’infiniment grand à l’infiniment petit.
Focus sur deux exemples concernant l’eau et la chaleur étudiés par l’Andra.
Observer un bassin hydrogéologique de 140 000 km2
Quel que soit le milieu dans lequel elle se trouve, l’eau transporte des éléments chimiques. Afin de comprendre le fonctionnement des écoulements de l’eau dans la zone prévue pour implanter le futur stockage en Meuse/Haute-Marne, l’Andra a reconstitué un modèle en 3D du bassin de Paris qui s’étend sur près de 140 000 km2. En effet, cette vision d’ensemble est nécessaire pour comprendre ce qui se passe sur le secteur du bassin intéressant plus particulièrement l’Andra, mais dont la surface n’est que de 18 000 km2.
“Seul un modèle numérique pouvait nous permettre d’avoir une idée réaliste, fiable et précise, sur un si grand espace, des écoulements et du transport des solutés, c’est-à-dire de tous les composants chimiques qui se trouvent dans l’eau”, précise Hakim Benabderrahmane, docteur en hydrogéologie et pilote de simulation hydro géologique à l’Andra. À partir de données acquises sur le terrain, nous avons d’abord utilisé la simulation numérique pour concevoir un modèle en 3D afin de reconstituer le passé et le comprendre. À la suite de cette analyse, nous avons à nouveau eu recours à la simulation pour savoir ce qui se passera dans le futur en prenant en compte trois principaux phénomènes : l’érosion, la surrection (les mouvements verticaux subis par les formations géologiques) et l’évolution du climat”, conclut-il.
Prévoir l’évolution, sur un million d’années, de la température émise par les déchets
Certains déchets radioactifs destinés au stockage profond dégagent de la chaleur. Lorsqu’ils seront mis en place dans les ouvrages, cette chaleur diffusera dans le milieu géologique. “Elle affecte les écoulements, les échanges chimiques et le comportement mécanique des ouvrages de stockage”, explique Laurent Calsyn, ingénieur scientifique chargé de l’évaluation et de l’analyse de performance de ces phénomènes à l’Andra.
“Avec la simulation, nous pouvons étudier l’évolution de cette température et sa propagation à l’échelle de tout le stockage, soit environ 15km2, et sur le très long terme, de la période d’exploitation à celle de la fermeture du stockage, et au-delà. Nous pouvons aussi simuler des phénomènes instantanés, comme ce qui se passe à l’instant où les colis de déchets sont installés. On élabore différents scénarios thermiques (architecture, temps d’entreposage préalable…) pour trouver les solutions techniques qui seront les meilleures en termes de sûreté et d’exploitation du stockage”, ajoute Laurent Calsyn.
Étudier des phénomènes complexes
La simulation numérique permet d’analyser et de prévoir les phénomènes chimiques qui se déroulent dans un stockage, difficiles à expérimenter en laboratoire du fait de leur complexité.
L’introduction de matériaux étrangers au milieu géologique engendrera différents phénomènes chimiques au sein du stockage. “Pour étudier les échanges chimiques entre des matériaux, comme le béton et l’argile, on doit prendre en compte environ trente minéraux différents et une centaine d’espèces chimiques en solution. De plus, pour compliquer le jeu, on travaille sur des éléments statiques, comme le sont les minéraux, mais aussi sur des éléments dynamiques comme l’eau qui s’écoule et à l’intérieur de laquelle les espèces chimiques sont entraînées ou diffusent. Avec la simulation numérique nous pouvons combiner tous ces phénomènes complexes entre eux, ce que l’expérimentation ne permet pas toujours de contrôler”, précise Benoît Cochepin, docteur en sciences des matériaux à l’Andra.
Dans le monde, il existe environ une dizaine d’outils capables d’effectuer des simulations de ce type. Le temps de calcul nécessaire pour simuler ces échanges chimiques sur une centaine de milliers d’années pour 3 m de béton et 50 m d’argilite est aujourd’hui de dix jours.