Un centre pour plus d’un siècle
La gestion des déchets radioactifs à vie longue implique de grandes échelles de temps : le centre fonctionnera pendant plus d’un siècle et assura la protection de l’homme et de l’environnement sur des centaines de milliers d’années.
Afin de ne pas reporter la charge financière de ce centre sur les générations à venir, son financement est assuré dès aujourd’hui, par le biais de provisions, par les producteurs de déchets radioactifs.
Durant tout son fonctionnement, Cigéo sera réversible et sa future gouvernance se construit avec la société. L’implication de la société et le pilotage démocratique ont toujours été au cœur du projet, avec 3 lois et deux débats publics. L’Andra souhaite poursuivre l'implication des riverains et citoyens, c’est pourquoi elle met en place une démarche de dialogue et de concertation dans la durée.
Après sa fermeture, le stockage doit rester sûr même s'il est oublié, néanmoins l’Andra conçoit Cigéo avec l’objectif d’en conserver la mémoire et de la transmettre aux générations futures le plus longtemps possible.
La gouvernance de Cigéo et la réversibilité
Cigéo fonctionnera pendant plus d’un siècle, période pendant laquelle les colis arriveront sur le centre et seront stockés au fur et à mesure. Compte tenu de cette durée de fonctionnement, les installations ne seront pas toutes construites dès le départ. Après une phase de construction initiale, elles se déploieront progressivement, en parallèle du stockage des déchets. Cela favorisera la réversibilité du stockage et l’intégration de toutes les améliorations rendues possibles par les progrès scientifiques et techniques et par le retour d’expérience.
La réversibilité
La préoccupation éthique de réversibilité trouve son origine dans les échelles de temps qu’implique la gestion des déchets radioactifs les plus nocifs. Compte tenu, en particulier de la durée de fonctionnement de Cigéo (plus d'un siècle), il est de la responsabilité de notre génération de concevoir et de léguer aux générations suivantes une installation sûre, et qu’elles seront en mesure de modifier ou d’améliorer en fonction de leurs propres objectifs et contraintes, voire de la remplacer par d’autres installations de gestion, si d’autres choix venaient à apparaître, notamment en lien avec les progrès techniques.
La loi du 25 juillet 2016 : réversibilité et plan directeur de l'exploitation
"La réversibilité est la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l’exploitation des tranches successives d’un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion".
La loi précise qu’« afin de garantir la participation des citoyens tout au long de la vie d’une installation de stockage en couche géologique profonde, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs élabore et met à jour, tous les cinq ans, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes et le public, un plan directeur de l’exploitation de celle-ci."
La récupérabilité, un outil de réversibilité
Dès la conception de Cigéo, des dispositifs techniques sont prévus pour faciliter le retrait éventuel des colis de déchets pendant toute la durée de fonctionnement de Cigéo (revêtements limitant la déformation des alvéoles, robots permettant de retirer les colis, capteurs pour suivre l’évolution, réalisation d’essais…), dans le cas où les générations suivantes décideraient de les retirer.
La concertation autour de la gouvernance et le plan directeur pour l’exploitation
La vie de l’installation sera conduite par quatre générations successives, qui pourront réévaluer, poursuivre ou revenir sur les modalités de gestion proposées par l’Andra dans le plan directeur pour l'exploitation (PDE), qui est un support à la réversibilité de Cigéo.
L’Andra a produit en avril 2016 une première version du PDE. Ce document présente le déroulement de référence de Cigéo, c’est-à-dire la vie de l’exploitation de l’installation telle qu’elle a été prévue par l’Andra : l’inventaire des déchets qu'elle aura à stocker, ainsi que les principales étapes de sa construction, de son exploitation et de sa fermeture. Plus particulièrement, le PDE explicite les conditions de démarrage de l'installation par une phase industrielle pilote et les objectifs de cette phase. Enfin, il décrit les possibilités offertes par Cigéo dans le cadre de la réversibilité, pour le cas où les générations futures décideraient de modifier le déroulement de référence de l’exploitation proposé par l’Andra. À travers ce document, l’Andra souhaite doter la société d’un outil de gouvernance en matière de gestion des déchets radioactifs.
Or les modalités d’association des citoyens tout long de la vie de Cigéo sont aujourd’hui à inventer : Qui associer ? À quel moment ? De quelle façon ? Dans quelles conditions et avec quels moyens ? C’est sur cette base que l’Andra met en oeuvre une concertation large auprès de nombreux acteurs. Les objectifs de la concertation sont de partager et d’enrichir le PDE, mais aussi d’aller plus loin en co-construisant le dispositif de gouvernance de Cigéo. La volonté de l'Andra est d'aboutir, à l’issue de cette concertation, à un outil et à un dispositif de gouvernance conçus avec la société qui seront joints au PDE et remis au gouvernement et au Parlement au moment du dépôt de la demande d’autorisation de création de Cigéo.
L'Agence a engagé depuis fin 2016 les premiers échanges avec les parties prenantes pour faire connaître sa démarche et définir plus précisément les modalités à mettre en œuvre pour co-construire la gouvernance de Cigéo.
Un projet construit avec la société
La dimension de Cigéo et les enjeux éthiques qu’il soulève en font un projet d’intérêt général pour les générations actuelles et celles de demain. C’est pourquoi, à travers sa démarche d’ouverture à la société, l’Andra innove sur le dialogue et la concertation afin de faire de la gestion des déchets radioactifs un sujet exemplaire en matière de démocratie environnementale.
Le projet Cigéo est le fruit d’un long processus démocratique avec le vote de trois lois (en 1991, 2006 et 2016) et trois débats publics nationaux qui ont contribué à trouver collectivement des solutions de gestion pour les déchets radioactifs les plus dangereux.
En 2005, un premier débat public national s’est tenu sur la base des quinze premières années de recherche. Les réunions publiques ont fait émerger la nécessité de procéder à un choix éthique et social entre deux options de gestion des déchets HA et MA‑VL : l’entreposage et le stockage géologique. L’ASN a estimé que « le stockage en formation géologique profonde est une solution de gestion définitive qui apparaît incontournable ».
Sur la base de ce débat et des évaluations, les parlementaires ont fait le choix, en 2006, du stockage géologique profond et ont posé une exigence de réversibilité d’au moins 100 ans.
En 2013, un deuxième débat public national a été organisé sur le projet Cigéo. Face à la difficulté de tenir des réunions publiques, le débat a été porté sur Internet avec plus de 76 000 visites, 1 500 questions et 500 avis. Une « conférence de citoyens » a également été organisée pour la première fois dans le cadre d’un débat public.
Parmi les suites données au débat public, en réponse aux avis et aux attentes exprimées, l’Agence a décidé d’apporter des évolutions au projet Cigéo, en particulier l’intégration d’une phase industrielle pilote au démarrage de l’installation, et de s’engager dans une démarche d’implication plus forte de la société, avec la création d'un comité éthique et société.
En 2016, le parlement a voté une troisième loi (loi du 25 juillet 2016) sur les modalités de création de Cigéo et sur sa réversibilité.
En 2019, le débat public sur la 5e édition du PNGMDR (plan national de gestion des matières et déchets radioactifs) a notamment été l'occasion de revisiter les arguments ayant conduit au choix du stockage géologique profond.
Une démarche ambitieuse de concertation
Dans la poursuite des actions de dialogue et de concertation qu'elle a menées depuis le débat public de 2013 et alors que le projet Cigéo entre dans une phase de plus en plus concrète, l'Andra a décidé de lancer une démarche ambitieuse d'implication de la société civile. Pour accompagner cette démarche, elle s'est entouré de deux garants nommés par la CNDP (Commission nationale du débat public), sur demande de l'Andra.
Le financement et le coût
Dans une logique de responsabilité, le financement des études, de la construction, de l’exploitation et de la fermeture de Cigéo est assuré dès aujourd’hui par les générations actuelles pour ne pas en reporter la charge sur les générations futures. Cela se traduit par des provisions faites par les trois producteurs de déchets concernés (EDF, le CEA et Orano) et régulièrement actualisées.
En janvier 2016, la Ministre en charge de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a arrêté un coût objectif de 25 milliards d’euros pour ce projet. Ce coût s’appuie sur les dossiers de chiffrage de l’Andra (évaluation transmise en 2014, sur la base de l’esquisse du projet), et les avis émis par l’ASN et les producteurs de déchets.
La Cour des comptes a estimé que le coût du stockage représentait de l’ordre de 1 à 2 % du coût total de la production d’électricité sur l’ensemble de la durée de fonctionnement d’un réacteur.
Le saviez-vous ?
Le projet Cigéo est financé par les 3 acteurs de la filière électronucléaire via une taxe affectée pour les recherches et le Laboratoire souterrain, et une contribution spéciale pour les études de conception des installations et les travaux préalables :
- Le fonds « recherche » est alimenté par une taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base (INB) collectée auprès des exploitants de ces installations. Son niveau est fixé par la loi de finances et par décret.
- Le fonds « conception », créée à partir du 1er janvier 2014, est alimenté par une contribution spéciale pour assurer le financement des études de conception des installations de Cigéo ainsi que les travaux préalables au démarrage de la phase de construction de ces installations, si le projet était autorisé.
Le processus d’évaluation du coût
L’État demande à l’Andra d’estimer tous les coûts du stockage sur plus de 100 ans. L’évaluation des coûts de Cigéo est un exercice particulièrement complexe puisqu’il nécessite de faire des hypothèses sur le coût du travail, de la fiscalité, des matériaux ou de l'énergie pendant plus de 100 ans. Cette évaluation doit être régulièrement mise à jour pour prendre en compte l’avancement des études menées par l’Andra.
Les précédentes étapes de l’évaluation du coût
Dans le cadre du groupe de travail État-Andra-Producteurs 2004-2005, les coûts de construction, d’exploitation et de fermeture du stockage avaient été estimés entre 13,5 et 16,5 milliards d’euros répartis sur plus de 100 ans. Cette évaluation couvrait notamment le stockage de tous les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue produits par les réacteurs nucléaires français pendant 40 ans. A l’intérieur de cette fourchette, les producteurs ont retenu un coût de référence de 14,1 milliards d’euros (aux conditions économiques de janvier 2003) correspondant à une prise en compte prudente des aléas de réalisation et des risques et opportunités.
En 2009, l’Andra a réalisé un nouveau chiffrage, non consolidé, sur la base des options de conception et de sûreté du stockage proposées à cette date. En accord avec l’État et les producteurs, il a été convenu d’étudier certaines options techniques qui permettraient d’optimiser le stockage comme par exemple la réduction du nombre d’alvéoles de stockage de déchets de haute activité en augmentant leur longueur.
En janvier 2012, la Cour des comptes a réalisé une analyse des enjeux associés à ces différents points dans son rapport portant sur Les coûts de la filière électronucléaire.
En juin 2014, une commission d'enquête de l'Assemblée nationale, présidée par le député François Brottes a rendu un rapport sur le coût de la filière électronucléaire en s'appuyant sur l'actualisation du rapport de la Cour des comptes.
La mémoire du stockage
L’objectif fondamental de Cigéo est de protéger l’humain et l’environnement des déchets radioactifs sur de très longues échelles de temps de manière passive, c’est-à-dire sans dépendre d’actions humaines. Cela repose notamment sur le choix du milieu géologique et sur la conception du stockage. C’est une des raisons qui a conduit, en 2006, le Parlement à retenir la solution du stockage profond. En effet, cette solution reste sûre à long terme, même en cas d’oubli.
Comme les déchets radioactifs sont stockés à 500 mètres de profondeur, l’intrusion est peu probable et suppose le déploiement d’importantes technologies. En revanche, la dangerosité des déchets stockés - très radioactifs - implique qu'un contact pourrait avoir des conséquences plus importantes qu’avec les déchets que l’on retrouve dans les centres de surface. C’est en particulier le cas à court terme, dans les premiers siècles après la fermeture du stockage. Ensuite, après quelques centaines d’années, les conséquences sanitaires et environnementales d’une éventuelle intrusion deviennent très limitées en raison de la décroissance radioactive des déchets. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) estime que les dispositions mises en œuvre permettront raisonnablement de garder la mémoire du stockage pour une durée d’au moins 500 ans, compte tenu du retour d’expérience français en la matière. La démonstration de sûreté de l’installation s’appuie sur les recommandations de l’ASN et considère l’éventualité d’un forage qui interviendrait à 500 ans.
Malgré cette robustesse du stockage même en cas d’oubli, l’Andra conçoit Cigéo avec l’objectif d’en conserver la mémoire et de la transmettre aux générations futures le plus longtemps possible. C'est pourquoi elle a mis en place un programme "Mémoire pour les générations futures" afin de mener des actions pluridisciplinaires sur le sujet.
De manière générale, le maintien de la mémoire doit aussi impliquer les acteurs locaux, qui rendent plus robustes le dispositif mémoriel. C'est dans ce cadre qu'un groupe de travail a été créé en 2011 pour réfléchir à la problématique de la transmission de la mémoire du futur site de stockage sur le long terme.
Le groupe Mémoire de Meuse/HauteMarne
Constitué d'une dizaine de membres (riverains, élus locaux, acteurs de la vie associative, anciens salariés, etc.), le groupe Mémoire de Meuse/Haute-Marne participe à faire connaitre et vivre le sujet de la mémoire des centres de stockage de déchets radioactifs et à impliquer le public.
Les travaux et projets du groupe Mémoire ont porté notamment sur :
- la conception d’une bande dessinée de science-fiction « La mémoire oubliée » et d’un escape game associé pour réfléchir autrement à la question de la mémoire ;
- la participation à une expérience sur la transmission de la mémoire par le son. Les membres du groupe ont écouté des séquences sonores et décrits les effets qu’elles provoquent sur eux dans le cadre d'un travail de recherche sur le sujet ;
- la contribution à une œuvre collective « Devoir de mémoire » pour susciter la curiosité du public et s’interroger sur l’empreinte que chacun souhaite laisser ;
- la participation au jury des appels à projets artistiques (prix du public) dans la cadre de la démarche "Art et Mémoire" ;
Pour en savoir plus : lire l'interview d'un membre du groupe Mémoire de Meuse/Haute-Marne.