Comment sont entreposés les déchets les plus radioactifs ? Dans les coulisses du site d’Orano la Hague
En lisière du Centre de stockage de la Manche de l’Andra, le site Orano la Hague traite les combustibles usés du parc nucléaire français afin d’en extraire les matières valorisables. Chaque année, ce site industriel reçoit environ 1 200 tonnes de combustibles usés, notamment d’EDF. Mais une petite portion du contenu de ces combustibles ne peut être recyclée et constitue des déchets radioactifs qui sont entreposés provisoirement sur place, en attendant leur stockage dans Cigéo. Dans quelles conditions ? On fait le point.
À la pointe du Cotentin, c’est dans un complexe industriel d’Orano que prend place le traitement des combustibles usés en vue de leur réemploi. Une activité au cœur de la politique énergétique française… « 96 % du contenu des combustibles usés que nous recevons après leur exploitation dans les centrales EDF sont valorisables et peuvent servir à produire l’électricité d’origine nucléaire en France. Les 4 % restants sont considérés comme des déchets radioactifs dans la mesure où aucune réutilisation n’est prévue ou envisagée », explique Sylvain Renouf, adjoint à la directrice de la Communication d’Orano la Hague.
Après leur utilisation en réacteur, et une fois qu’ils ont suffisamment séjourné en piscine, les assemblages de combustibles sont cisaillés, c’est-à-dire découpés en fragments, puis dissous dans une solution d’acide nitrique. Les matières valorisables sont séparées des déchets radioactifs : déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) pour la structure métallique du combustible ; déchets de haute activité (HA) pour les éléments radioactifs que sont essentiellement les produits de fission. Ces déchets dangereux sur le très long terme sont destinés à être stockés dans Cigéo, dont la demande d’autorisation est en cours d’instruction. Si le projet est autorisé, les premiers colis de déchets MA-VL et HA ne sont cependant pas prévus d’être stockés avant respectivement les années 2040 et 2080. « Dans l’attente de la mise en service de Cigéo et de leur stockage géologique, ces déchets HA ainsi que les déchets MA-VL sont vitrifiés ou compactés, puis conditionnés et entreposés en toute sûreté dans nos installations », indique Sylvain Renouf.
Vitrifier les déchets HA
Pour les déchets HA, l’étape incontournable avant l’entreposage est la vitrification. Ce procédé consiste à piéger dans une matrice en verre les substances hautement radioactives (voir encadré). « Le verre résiste à la lixiviation, c’est-à-dire au passage de l’eau, et permet ainsi de confiner les substances sur des périodes de plusieurs milliers d’années », souligne Sylvain Renouf. Si la vitrification limite la dispersion des particules radioactives, elle ne supprime pas leur rayonnement. Les déchets vitrifiés sont ainsi coulés dans des conteneurs en acier inoxydable puis placés dans des puits ventilés, la circulation de l’air assurant l’évacuation de la chaleur produite par les colis de déchets. Ces puits sont ensuite fermés par un bouchon de 2 m d’épaisseur.
Chaque puits contient neuf colis empilés sur 15 m de profondeur. Ainsi, le hall d’entreposage T7, en cours d’exploitation, abrite 3 600 colis de déchets vitrifiés. Et cette halle n’est pas la seule : « Notre capacité actuelle est supérieure à 24 000 colis », précise Sylvain Renouf. Tous les cinq ans, Orano La Hague adapte sa capacité d’entreposage pour répondre aux prévisions d’activité pour les cinq années à venir.
Deuxième étape de l’entreposage : après avoir passé cinq ans dans un puits ventilé et vu leur puissance thermique baissée en dessous de 2 kW, les colis de déchets vitrifiés quittent l’entreposage T7 pour un autre bâtiment situé à l’entrée du site où les puits, plus rapprochés, ne bénéficient plus que d’une ventilation naturelle. « Ce système passif permet d’attendre sereinement l’ouverture de Cigéo, ces bâtiments étant dimensionnés pour une exploitation de l’ordre du siècle », précise Sylvain Renouf.
Compacter les déchets MA-VL
Le site Orano la Hague entrepose également les déchets MA-VL, eux aussi destinés, in fine, au stockage géologique dans Cigéo. Ils ne sont pas vitrifiés, mais compactés : les gaines métalliques du combustible usé sont découpées en petits morceaux de 3 cm, plongées dans de l’acide nitrique, rincées, puis placées dans un fût compacté par une presse de 2 500 tonnes. À l’arrivée, la galette de 80 kg pour 35 cm de diamètre et 15 cm de hauteur est introduite dans un conteneur en acier inoxydable semblable à celui qui contient les déchets HA vitrifiés, près de deux fois plus lourd, mais 100 fois moins radioactif. Ces colis sont entreposés dans des alvéoles dans un bâtiment à plusieurs niveaux.
« Nos capacités d’entreposage répondent aux besoins engendrés par le flux courant de la production nucléaire française, mais aussi à nos obligations contractuelles avec des pays étrangers* », relève Sylvain Renouf. Là encore, anticipation et adaptation sont les maîtres mots : « Au regard des prévisions de traitement, nous avons la capacité de construire de nouvelles installations d’entreposage à la fois sûres et adaptées aux besoins de nos clients », conclut-il.
* Le stockage en France de déchets radioactifs en provenance de l’étranger est strictement interdit par la loi depuis 1991. Les déchets issus du retraitement de combustibles usé.s étrangers sont, à terme, retournés aux clients, comme le prévoient les contrats de retraitement.
Vitrification, mode d’emploi
Mis au point par le CEA dans les années 1970, le procédé de vitrification des déchets radioactifs consiste à incorporer les résidus radioactifs dans du verre. Il ne s’agit pas d’un enrobage : les matériaux radioactifs participent véritablement à la structure du verre, un matériau qui ne s’altère pas sous l’effet de la radioactivité et qui conserve ses propriétés sur une très longue durée. Pour cela, les déchets de haute activité (HA) sont calcinés à 800 °C puis mélangés à de la fritte de verre avant d’être introduits dans un pot de fusion chauffé à 1 100 °C. Il en sort un verre homogène qui a l’apparence de l’obsidienne. 400 kg de ce verre en fusion sont coulés dans un conteneur en acier inoxydable d’1,30 m de haut, qui est scellé puis entreposé dans un puits ventilé.