Des producteurs soucieux d’améliorer le transport de leurs déchets : l’exemple d’Orano
Conseiller Sécurité transport sur le site du Tricastin d’Orano, Olivier Plessy cherche chaque jour à améliorer l’efficacité et la sécurité des process. De la constitution des emballages à l’expédition des colis, il nous détaille tous les aspects d’un métier dans lequel le respect scrupuleux de la réglementation n’empêche pas l’imagination, bien au contraire !
En quoi consiste votre métier ?
Le conseiller Sécurité transport (CST) de matières dangereuses est l’un des rares postes à être défini par la réglementation. On y retrouve les tâches suivantes : examiner le respect des prescriptions relatives au transport des marchandises dangereuses, conseiller l’entreprise dans les opérations de transport… Elle précise aussi que le CST a pour mission première de rechercher tout moyen ou de promouvoir toute action visant à faciliter l’exécution de ces activités. En d’autres termes, un CST ne se contente pas de veiller à l’application de la réglementation : il doit faire preuve de créativité et rechercher constamment l’amélioration.
Avez-vous des exemples précis d’amélioration ?
Les bonnes idées viennent souvent du terrain, et j’encourage nos équipes à me faire part de toutes leurs idées susceptibles de rendre nos activités plus sûres, plus simple et moins onéreuses. Par exemple, en réduisant les temps de manutention, on peut améliorer la radioprotection des personnels. Sur certains emballages, nous avons ainsi substitué des clips en plastique à des boulons métalliques : la pose de ces clips prend une seconde, alors qu’il faut près d’une minute pour poser le boulon et sa rondelle. Cela permet de diviser par 60 la dose intégrée par l’opérateur au contact de l’emballage lors de cette opération.
Un autre moyen de réduire l’exposition de nos personnels est de limiter le nombre d’opérateurs : nous filmons nos opérations en accéléré (time lapse) afin de chercher à optimiser le nombre d’intervenants. Nous allons bien au-delà des exigences réglementaires, en appliquant le principe d’optimisation de la radioprotection : ALARA (as low as reasonably achievable). Soit une exposition au niveau le plus faible qu’il est raisonnablement possible d’atteindre. Enfin, la présence d’alternants et de stagiaires stimule la créativité : nous avons déposé deux brevets depuis 2016, et un troisième est en cours.
En quoi consistent vos transports vers l’Andra ?
L’année dernière, nous avons effectué 91 transports par route vers le Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires) de l’Andra. Cela représente 145 conteneurs chargés de colis de déchets de très faible activité (TFA). Selon le poids du chargement, chaque camion transporte un ou deux conteneurs. Pour le retour à vide, un camion transporte quatre conteneurs. Les déchets TFA sont conditionnés en fûts, en caissons métalliques injectables ou dans des big-bags en tissu plastifié, placés dans des conteneurs standardisés de 6,1 mètres de long. 28 % des colis sont des colis exceptés, 72 % sont des colis industriels. Dans les faits, même si ce n’est pas obligatoire pour transporter des colis exceptés, tous nos transporteurs emploient des chauffeurs qui ont suivi une formation diplômante ADR(1)pour le transport de substances radioactives.
(1) Formation encadrée par l’accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par route (ADR).
Comment veillez-vous à la sûreté du transport ?
Les opérations (mises en conteneur, chargement sur le véhicule, arrimage, rédaction de la documentation) sont préparées selon des procédures préétablies. C’est au responsable du lieu où s’effectue le chargement de s’assurer que le conducteur est correctement formé, que le véhicule est adapté et qu’il est correctement affiché et signalé (étiquettes et panneaux réglementaires). Le groupe Orano dispose d’une équipe d’inspecteurs chargés de la supervision des transports. Ceux-ci vérifient la documentation, le respect des procédures, l’état du matériel des transporteurs. Les transporteurs avec lesquels nous travaillons sont contrôlés systématiquement tous les trois à cinq ans, en plus des contrôles de terrain inopinés. Nous disposons aussi de notre propre flotte de conteneurs homologués. La sûreté du transport est avant tout assurée par les emballages, qui sont adaptés à chaque matière transportée et au mode de transport choisi, en respect de la réglementation.
Envisagez-vous d’autres modes de transport ?
En effet, nous sommes en train d’expérimenter le transport par rail, pour les flux vers l’Andra. Nous avons procédé à des premiers tests vers le Cires l’année dernière et cette année, avec 24 conteneurs répartis sur trois wagons. Ces tests montrent que, sans être significativement plus cher que la route, le rail est un vecteur important d’économie d’émissions de CO2. Nous avons ainsi calculé que le transport en train sur 580 kilomètres, entre le site du Tricastin et le terminal ferroviaire de Brienne-le-Château, représentait 0,33 tonne de CO2. De son côté, le transport en camion sur les 15 derniers kilomètres qui séparent la gare du Cires émet 0,56 tonne de CO2 !
Le chargement de conteneurs sur le même train par plusieurs expéditeurs et la limite de la quantité de matière fissile(2) totale présente sur une seule opération de transport nous conduisent à reconsidérer la classification des colis transportés. Elle implique aussi des contraintes logistiques : nombre de conteneurs à mobiliser, temps de retour des conteneurs…
Cependant, même si rien n’est acté et que la démonstration reste en cours, je suis convaincu que la place du train va largement augmenter dans les années à venir. D’autant qu’il présente aussi des avantages en matière de sûreté, avec une moindre accidentologie.