Doctorants de l’Andra : Julien Archez imagine le tube du futur
Julien Archez bénéficie de l’une des bourses de thèse accordées chaque année par l’Andra sur des thématiques liées à la gestion des déchets radioactifs. Son sujet ? Concevoir et tester un chemisage innovant en céramique pour les alvéoles de stockage qui accueilleront les déchets radioactifs de haute activité (HA) dans le cadre du projet Cigéo, le projet de stockage géologique profond des déchets les plus dangereux. Il nous explique ses recherches.
Quel a été votre parcours jusqu’à l’Andra ?
Étant très curieux de nature, j’ai toujours aimé les sciences. Après un IUT à Saint-Étienne, j’ai poursuivi mes études en école d’ingénieur à l’INSA de Lyon, en sciences et génie des matériaux. Même si j’ai toujours rêvé de faire une thèse, j’ai choisi d’entrer dans le monde du travail après mes études. J’ai effectué une mission pendant dix-huit mois à Arcelor Mittal à Dunkerque, en métallurgie. Puis j’ai fait une pause d’un an, pendant laquelle j’ai fait le tour du monde. À mon retour, j’ai travaillé six mois en prestation chez Areva [NDRL : aujourd’hui Orano]. J’ai en parallèle posé ma candidature pour un sujet de thèse proposé par l’Andra en association avec les laboratoires IRCER à Limoges et NAVIER à l’école des Ponts ParisTech (voir encadré).
En quoi consiste votre thèse précisément ?
Dans le cadre du projet Cigéo, les alvéoles de déchets HA, c’est-à-dire des tunnels étroits de 75 cm de diamètre longs de plusieurs dizaines de mètres seront creusés dans la roche argileuse, à environ -500 m sous terre. Ces alvéoles seront chemisées, c’est-à-dire qu’on y insérera des tubes destinés à soutenir la roche et permettre l’insertion des colis de stockage et leur retrait éventuel durant la période d’exploitation, dans le cadre de la réversibilité. L’Andra a jusqu’à présent travaillé sur des tubes en acier bas carbone, et ce concept sera celui présenté dans la demande d’autorisation de création de Cigéo, mais l’Andra imagine déjà d’autres solutions possibles pour le futur, en s’appuyant sur les progrès scientifiques et technologiques. J’étudie ainsi un autre type de matériau de chemisage : les composites géopolymères, une sorte de céramique renforcée par des fibres qui se consolide à température ambiante. Ce type de matériau est inorganique, a des bonnes propriétés mécaniques, résiste au feu, à l’acide et au temps, d’où son intérêt pour l’Andra.
Concrètement, que faites-vous ?
Dans un premier temps, à Limoges, j’ai travaillé sur la composition du matériau. Les géopolymères sont constitués de kaolin (minéral argileux) calciné à très haute température puis dissout dans une solution alcaline contenant du silicium pour former un mélange qui se consolide ensuite à température ambiante. Pour en améliorer les propriétés mécaniques et le rendre moins fragile, j’ai créé un composite, en y ajoutant des fibres minérales naturelles et de verre. Mais il a fallu tester beaucoup de paramètres pour trouver une formulation adéquate. Celle-ci a pu être mise en forme par coulage et par impression 3D. Ces travaux ont permis de déposer un brevet l’été dernier. J’ai également fait quelques essais en utilisant de l’argilite qui compose la roche hôte argileuse du projet Cigéo à la place du kaolin, ce qui pourrait permettre d’utiliser la roche argileuse qui sera excavée lors du creusement des installations souterraines de Cigéo, si le projet est autorisé.
La deuxième partie de mon travail, celle qui m’occupe actuellement, consiste à fabriquer un cylindre avec ce nouveau matériau composite. Après des tests à l’échelle du laboratoire, je suis en train de préparer la réalisation d’un tube grandeur nature, au laboratoire NAVIER. Pour cela, nous allons utiliser l’impression 3D à l’aide d’un robot de plusieurs mètres. Si tout se passe bien, nous pourrons réaliser le tube en grandeur nature. Et je sais que l’Andra réfléchit déjà à des essais in situ dans son Laboratoire souterrain de recherche en Meuse/Haute-Marne.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce sujet ?
J’ai toujours été intéressé par l’archéologie et fasciné par les objets anciens qui persistent dans le temps, tels que les poteries. La céramique est un matériau très durable et chimiquement inerte. J’avais déjà travaillé ce matériau dans le cadre de mes stages. En plus, ma compagne est artisan céramiste. Elle m’apporte son point de vue artisanal sur la science, c’est très enrichissant. J’avais également envie de me pencher sur la question des déchets radioactifs, un sujet que je connaissais déjà un peu via Areva. Nous avons déjà produit des déchets radioactifs en France et il faut les gérer au mieux. C’est intéressant de participer à la réflexion.
Comment vivez-vous cette thèse ?
C’est un sacré défi à relever, surtout avec un sujet comme le mien qui associe chimie, mécanique et procédés. Dans une thèse, il faut vraiment se donner à fond pour avancer, mais c’est très stimulant, ça développe l’esprit critique et l’autonomie. Quand j’ai imprimé mon premier tube, j’étais très fier de moi, même s’il ne faisait que 10 cm de diamètre ! Et puis, il y a des moments plus difficiles, comme dans toute thèse, car la pression est grande quand il faut gérer à la fois les essais, la rédaction de la thèse, d’articles, de rapports, la préparation des présentations…
Et l’avenir ?
J’ai très envie de faire de la recherche et développement ou d’intégrer une PME pour développer mon propre projet.
Appel à projets de thèse : l’Andra recherche ses futurs doctorants
Chaque année, l’Andra lance un appel à projets de thèses auprès des laboratoires de recherche afin d’accorder des bourses d’étude à des doctorants scientifiques. Des propositions de sujets de thèses sur des thèmes généraux préalablement définis par l’Andra sont sélectionnées. Les choix sont effectués au regard de la pertinence, de la nouveauté, de l’originalité des sujets, de la robustesse scientifique de la démarche de recherche proposée, et des candidats.
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- IRCER : Institut de recherche sur les céramiques à Limoges (https://www.unilim.fr/recherche/laboratoires/ipam/ircer/)
- NAVIER : Unité mixte de recherche commune à l’école des Ponts ParisTech, à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) et au CNRS (https://navier.enpc.fr/)