L’Andra donne naissance à des jumeaux (numériques)
Clap de fin pour le projet Ci2ANum ! Trois ans après le démarrage du projet, les nouveaux outils développés à partir du concept de jumeaux numériques sont opérationnels. C’est l’heure du bilan et de l’appropriation de ces technologies prometteuses par les équipes de l’Andra.
Quel est le point commun entre Apollo 13, la Chapelle royale du château de Versailles, les cuisines Ikea et… les centres industriels de l’Andra dans l’Aube ? Ils s’appuient tous sur les technologies des jumeaux numériques. C’est d’abord la NASA, l’agence spatiale américaine, qui a exploré cette approche, en 1970, pour la troisième mission visant à faire atterrir des hommes sur la Lune. Afin de permettre à l’équipage de revenir sain et sauf sur Terre, elle a en effet réalisé une maquette du vaisseau pour effectuer des simulations et résoudre plus facilement d’éventuels problèmes à distance.
Cinquante ans plus tard, la technologie des jumeaux numériques fait partie de notre quotidien. Dans ses versions les plus simples, elle permet de concevoir sa cuisine aménagée ou de se propulser dans l’époque médiévale d’un château. Mais elle bouleverse aussi les processus industriels, au départ dans l’industrie aéronautique et automobile, et désormais dans la filière nucléaire.
Qu’est-ce qu’un jumeau numérique ? « Une représentation virtuelle d’un objet réel », résume Sylvain Guilloteau, ingénieur numérique à l’Andra et pilote du projet Ci2ANum(1).
Démarré en 2020 dans le cadre du plan de relance pour l’industrie « Soutien à l’investissement et à la modernisation de l’industrie », consécutif à la crise sanitaire, ce projet visait à expérimenter les jumeaux numériques sur les deux centres industriels de l’Andra dans l’Aube : le Centre de stockage de l’Aube (CSA) et le Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires). Il a impliqué une vingtaine de collaborateurs de l’Andra, essentiellement dans l’exploitation et la maintenance des installations.
Le projet s’est achevé en novembre dernier par la présentation des outils aux personnels des deux sites. « C’est l’aboutissement d’un projet de recherche et développement qui représente en même temps un nouveau point de départ : désormais, c’est aux opérationnels de s’emparer de ces outils et de se les approprier », analyse Sylvain Guilloteau.
(1) Centres industriels de l’Andra dans l’Aube. Projet collectif porté par l’Andra en collaboration avec Assystem, ATFF, ATIS.cloud, Human Games et SPARTE.
L’information accessible en un clin d’œil
Avec Ci2ANum, les partenaires du projet avaient décidé d’explorer toutes les potentialités des jumeaux numériques. « Doubles virtuels d’une réalité physique, les jumeaux numériques peuvent représenter aussi bien un site entier qu’un process. Nous avons choisi de faire les deux à la fois », note Sylvain Guilloteau.
Ainsi, l’ensemble du CSA a été modélisé pour permettre de simuler différents scénarios lors de la construction future d’un nouvel ouvrage de stockage ou de l’aménagement d’un bâtiment. L’équipe projet s’est aussi penchée sur le suivi du contrôle des colis de déchets radioactifs, qui contribue à maîtriser leur qualité afin d’être acceptés par l’Andra sur le Centre. « Jusqu’ici, pour alimenter les informations sur les colis, les opérateurs devaient ressaisir une masse de données disponibles dans des formats hétérogènes : papier, tableaux Excel, e-mails, etc. Grâce à la numérisation du procédé dans le cadre du projet Ci2ANum, toutes ces informations sont désormais consultables en temps réel via une interface de restitution de données synthétique. Grâce à cette vue synthétique, les opérateurs ont beaucoup plus de temps pour analyser la situation, anticiper les choses… », témoigne Sylvain Guilloteau. Et d’ajouter : « Les retours sont extrêmement positifs. En novembre dernier, ce sont les utilisateurs eux-mêmes qui ont présenté les outils à leurs collègues en leur montrant l’utilisation que l’on pouvait en faire. C’était un moment assez intense, qui révélait que l’appropriation des outils était en marche. »
Des formations en réalité virtuelle
Parallèlement, un outil de simulation a été déployé au Cires sur un procédé spécifique : le traitement des fioles de scintillation. Ces récipients, remplis de liquides radioactifs, sont traités dans une enceinte confinée appelée « boîte à gants ». Des opérateurs glissent leurs mains gantées dans ces caissons hermétiques pour trier les fioles. « Cette opération nécessite des gestes appropriés et extrêmement précis, car elle est potentiellement dangereuse pour les opérateurs. En cas de coupure, par exemple, il est important que ces opérateurs gardent leur sang-froid, aient les gestes adéquats et les bons réflexes », explique Sylvain Guilloteau. Grâce à ce simulateur, les opérateurs pourront se former en réalité virtuelle. Équipés de lunettes, ils manipuleront virtuellement les fioles et apprendront à affiner leurs gestes techniques, sans aucun danger.
« Avec ces premières expérimentations, la prochaine étape sera de déployer la technologie des jumeaux numériques. Les maquettes virtuelles apporteront notamment une aide précieuse pour démanteler certains équipements arrivant en obsolescence, comme le malaxeur(2) du Centre de stockage de l’Aube, ou pour faire évoluer les sites », conclut Sylvain Guilloteau.
(2) Énorme cylindre de 2 mètres de diamètre sur 80 centimètres de hauteur servant à mélanger le béton qui enrobe certains colis de déchets radioactifs avant leur stockage.
Une représentation en 3D, mais pas seulement !
Quand on parle de jumeau numérique, on pense immédiatement à une représentation en 3D. C’est vrai, mais ce n’est qu’un aspect de la question. Ces outils sont un véritable écosystème de données, complet et dynamique. On peut y intégrer des données en temps réel générées par des capteurs, des données historiques, des modèles de simulation pour prédire le comportement futur et tester différents scénarios, ainsi que des algorithmes d’analyse pour interpréter les données.
Pour construire cet écosystème, il faut au préalable numériser l’ensemble des données du site. Dans le cadre du projet Ci2ANum, différentes technologies ont été utilisées à cet effet, dont des photographies aériennes par drones, des relevés LiDAR* statiques et dynamiques.