L'évolution d'un stockage
L’évolution d’un stockage met en jeu de nombreux phénomènes physiques et chimiques qui vont se développer, et éventuellement interagir, sur différentes échelles d'espace et de temps. Pour prévoir cette évolution, il faut être capable d'abord de comprendre ces phénomènes et ensuite de représenter les grandes échelles d'espace et de temps du stockage, certaines pouvant aller jusqu'à plusieurs centaines de milliers d'années.
La modélisation et la simulation numérique sont alors des outils privilégiés.
Comment évolue un stockage ?
Prévoir l'évolution d'un stockage et du milieu géologique dans lequel il est implanté est essentiel pour s'assurer de sa sûreté. Cette évolution met en jeu de nombreux phénomènes physiques et chimiques complexes, dont l'évolution dans le temps et dans l'espace est différente. Exemple de quelques phénomènes qui se dérouleraient dans le stockage profond, à 500 mètres sous terre...
La roche se fissure
Lorsque l’on creuse un trou dans la roche, des fissures se créent tout autour de la partie creusée, sur une faible épaisseur, comme un pare-brise qui se fend après un impact. L'importance de ces fissures dépend de la dimension de l’ouvrage creusé ou encore de sa profondeur. Elles pourraient en conséquence favoriser la circulation de l'eau. Cependant, les minéraux argileux contenus dans la roche ont la particularité de favoriser naturellement un colmatage rapide de ces fissures. La roche retrouve alors sa très faible perméabilité d'origine au bout de quelques années.
Ça chauffe !
Certains colis de déchets radioactifs, destinés au stockage profond, dégagent une forte chaleur car leur niveau de radioactivité est très élevé. Cette chaleur diminue petit à petit naturellement, du fait de la décroissance radioactive. Avant d'être stockés, ces déchets auront été entreposés quelques dizaines d'années afin que leur chaleur n'entraîne pas de température supérieure à 100°C dans la roche pour ne pas en altérer les propriétés. En effet, une fois qu'ils seront stockés, la chaleur émise va diffuser dans le stockage, puis dans la roche argileuse. La température de la roche va alors augmenter progressivement. Cette élévation de température durera de quelques centaines à quelques milliers d'années, puis la roche refroidira jusqu'à revenir à sa température initiale. A environ 500 mètres de profondeur, la température de la roche est d'environ 23°C.
La roche se déshydrate
A l'état naturel, les pores de la roche sont remplis d'eau. Lors de l'exploitation du stockage, comme dans tout ouvrage souterrain comme les tunnels routiers, la plupart des ouvrages de stockage seront ventilés. A la manière d'un sèche-cheveux géant, cette ventilation entrainera une déshydratation de la roche (sur quelques dizaines de centimètres) et des bétons utilisés pour la construction des ouvrages et de certains conteneurs. Une fois que les ouvrages de stockage seront fermés, la ventilation sera arrêtée. La roche et les matériaux commenceront alors à se réhydrater doucement. L'atmosphère à l'intérieur des ouvrages de stockage fermés deviendra alors plus humide.
L’eau dégrade les matériaux
Au fil du temps, après la fermeture du stockage, l'eau contenue dans la roche va entrer en contact avec les ouvrages de stockage. Les matériaux étrangers (béton, acier...) qui s'y trouvent vont alors subir des réactions chimiques. Le béton va commencer à se dégrader pendant que les métaux vont se corroder... très lentement du fait notamment de la très faible circulation d'eau. Les bétons et les métaux, matériaux connus pour leur résistance, peuvent alors garder leurs propriétés et rester étanches pendant quelques milliers, voire centaines de milliers d'années. Les colis et ouvrages de stockage qu'ils constituent vont ainsi contribuer à limiter tout relâchement des substances radioactives avant que le milieu géologique ne joue son rôle de barrière naturelle.
Les substances contenues dans les déchets sont relâchées
Au fur et à mesure de la lente dégradation des colis, seuls quelques radionucléides relâchés vont se déplacer dans le stockage et entrer en contact avec la roche. Comme la roche argileuse a été choisie pour sa très faible perméabilité et ses fortes capacités de rétention, le déplacement de ces radionucléides va être fortement retardé et limité. Seuls quelques radionucléides, les plus mobiles, peuvent traverser la couche argileuse...mais sur plusieurs centaines de milliers d'années et de manière diluée dans le temps. De ce fait, la radioactivité qui atteindra la surface sera suffisamment faible pour que son impact soit bien inférieur à celui de la radioactivité naturelle. L'essentiel des radionucléides sera resté dans le stockage, ou aura migré de seulement quelques centimètres dans la roche pendant cette période.
Comment prévoir l'évolution d'un stockage ?
Pour concevoir un stockage de déchets radioactifs il faut être en mesure de prévoir son évolution dans le temps. Dans le cas des stockages souterrains, cela renvoie à des échelles d'espace et de temps non accessibles à l'expérimentation à l'échelle humaine. La simulation numérique est un moyen unique pour représenter cette évolution et les nombreux phénomènes mis en jeu.
De l’infiniment petit à l’infiniment grand
L’évolution d’un stockage met en jeu un ensemble de phénomènes physiques et chimiques, nombreux et complexes, dont l’évolution dans l’espace et dans le temps est différente.
Certains interviennent sur quelques millimètres, d'autres sur plusieurs dizaines de mètres.
Certains interviennent sur quelques années, d'autres peuvent s'étendre sur plusieurs centaines de milliers d'années.
Se projeter dans le temps
Espace…temps…la gestion des déchets radioactifs est un domaine dans lequel interviennent des échelles bien plus grandes que celles d’activités humaines classiques. L’expérimentation est nécessaire mais pas suffisante pour décrire l’évolution du stockage sur de telles échelles. La simulation numérique est le moyen d’y parvenir.
Son rôle : décrire à l'aide de codes de calcul numériques et de machines informatiques un phénomène et son évolution.
Du réel au virtuel
La simulation numérique est utilisée dans de nombreux domaines : aéronautique, météorologie, mécanique, biologie... Le principe : représenter virtuellement un phénomène ou un objet réel afin d'étudier son fonctionnement et prévoir son évolution dans le temps. Ces simulations se déroulent en deux grandes étapes qui vont toujours de pair :
La modélisation
Comme pour la célèbre formule de la relativité E = MC², il s'agit de représenter les phénomènes élémentaires sous forme de modèles mathématiques, souvent appelés lois. Ainsi, par exemple, la diffusion de la chaleur dans un solide est décrite par la loi de Fourier.
La simulation
Les modèles mathématiques sont à leur tour traduits sous formes d'équations mathématiques elles-mêmes traduites en langage informatique dans des codes de calcul. L'objet à étudier est découpé en petits sous-domaines, les mailles, dont le nombre dépend notamment de la précision voulue et de la puissance de l'ordinateur utilisé. L'ensemble de ces mailles constitue le maillage et recompose l'objet à étudier, comme la trame d'un tissu. A chaque maille sont attribués des paramètres du modèle mathématique. A l'aide d'algorithmes mathématiques, les codes de calcul résolvent alors les équations mathématiques.
A l'issue du calcul, en chaque maille, on obtient les grandeurs physiques ou chimiques recherchées, par exemple une température ou une vitesse. L'ensemble des résultats de l'objet étudié est visualisé, par image de synthèse, sur l'écran de l'ordinateur grâce à des logiciels graphiques adaptés.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Effectuer des simulations numériques de plus en plus fines impose la conception de logiciels de plus en plus performants, ainsi que l'augmentation de la puissance des équipements informatiques sur lesquels ces logiciels sont utilisés. En parallèle des simulations numériques qu'elle réalise, l'Andra travaille également au développement de ces nouveaux moyens informatiques.