Médecine nucléaire : dans les coulisses du Centre François Baclesse de Caen
Dans le Centre de lutte contre le cancer François Baclesse, la radioprotection est un impératif du quotidien. Outre la formation des personnels, des installations et des procédures spécifiques sont prévues au regard des risques d’exposition lors des examens de diagnostic, des thérapies suivies par les patients et pour la gestion des déchets radioactifs. Reportage.
En Normandie, au nord de la ville de Caen, le Centre François Baclesse est un établissement de référence en cancérologie, membre du groupe Unicancer. Ici, 1 084 professionnels de santé prennent en charge chaque année 26 500 patients.
Le Centre François Baclesse se divise en plusieurs unités. On y trouve notamment : un pôle de radiologie, un grand service de radiothérapie équipé de 7 accélérateurs linéaires et d’une unité de protonthérapie, un service de médecine nucléaire, des unités d’hospitalisation et de chimiothérapie, ainsi qu’une unité de recherche clinique pour suivre des patients dans des essais cliniques.
Une fois à l’accueil, au rez-de-chaussée, il ne faut faire que quelques pas pour se rendre dans le service de médecine nucléaire. C’est ici que les scintigraphies et autres examens d’imagerie utilisant des radioélements sont réalisés. Ici aussi que l’on trouve le laboratoire « chaud » dédié à l’entreposage, à la production et au contrôle des médicaments radiopharmaceutiques utilisés pour le diagnostic ou les thérapies. Et pour effectuer les radiothérapies internes, quatre chambres radio-protégées situées dans l’unité d’hospitalisation, au 7e étage, complètent le service.
« C’est dans ces chambres que nous faisons les traitements avec de l’iode 131 pour traiter les cancers de la thyroïde, ou avec du lutétium 177 pour les tumeurs neuro-endrocrines, explique Benjamin Ménard, conseiller en radioprotection du Centre. Pour l’imagerie, tout se passe directement dans le service de médecine nucléaire : on dispose de trois gamma-caméras, dont deux couplées à des scanners, et d’un tomographe par émission de positons. »
« On peut gérer en décroissance tous les déchets qui ont une période inférieure à 100 jours. Ce qui correspond à la quasi-totalité des produits que nous utilisons. »
Murs plombés et personnels équipés
Dans ces différentes zones du Centre François Baclesse, la radioprotection est donc impérative puisqu’on y manipule des éléments radioactifs. Certains murs sont ainsi renforcés par une couche de quelques millimètres à quelques centimètres de plomb. De plus, quand ils pénètrent dans les zones contrôlées, les médecins nucléaires, radiopharmaciens, physiciens médicaux, manipulateurs, infirmiers et aides-soignants doivent s’équiper de dosimètres. « Il y a différentes couleurs de zones et en fonction de ces couleurs, les conditions d’accès vont évoluer. À partir du moment où on est en zone contrôlée, verte et jaune chez nous, il faut porter deux dosimètres. Un dosimètre passif et un dosimètre opérationnel », décrit encore Benjamin Ménard.
« Le premier mesure la dose de radioactivité à laquelle s’expose le personnel et, tous les trois mois, nous les envoyons dans un laboratoire spécialisé qui analyse les dosimètres et enregistre la dose reçue pour chaque intervenant, explique Alain Batalla, responsable du service de physique médicale et de la radioprotection du Centre. Le second se présente sous la forme d’un boîtier électronique. Il est moins fiable car sensible à certaines ondes électromagnétiques mais il permet d’afficher instantanément la dose à laquelle s’expose un membre du personnel et d’émettre des alarmes en cas de dépassement de seuil d’exposition. »
Outre ces dispositifs, le personnel est formé à la radioprotection tous les trois ans. « Cela permet de faire un rappel règlementaire, d’échanger avec le personnel sur les bonnes pratiques et d’aborder les nouveautés », précise Benjamin Ménard.
Et bien sûr l’information donnée aux patients est impérative. Les médecins en consultation, les manipulateurs qui réalisent les examens et les infirmiers et aides-soignants présents pour les examens de diagnostic ou en hospitalisation, expliquent à chaque fois aux patients les consignes à suivre pour éviter tout risque d’exposition. « C’est notamment le cas pour l’utilisation des toilettes dédiées aux patients de médecine nucléaire qui sont à double compartiment. Il y a ainsi un bac pour récupérer les urines qui ensuite arrivent directement dans des cuves spécifiques, appelées cuves de décroissance, détaille Alain Batalla. Car les urines concentrent la majeure partie de la radioactivité. »
Des espaces dédiés à la gestion des déchets radioactifs
Cette information aux patients rejoint un autre impératif de radioprotection du Centre : la gestion maîtrisée de ses déchets. « Sur ce point, tout le personnel opérant dans le service de médecine nucléaire, comme dans les chambres radioprotégées, suit une procédure très précise. On peut gérer en décroissance tous les déchets qui ont une période inférieure à 100 jours. Ce qui correspond à la quasi-totalité des produits que nous utilisons », insiste Benjamin Ménard.
Des pièces sont ainsi dédiées au stockage des différents déchets. À l’étage des hospitalisations par exemple, le linge, potentiellement contaminé par transpiration, est récupéré et stocké pendant 3 mois environ, avant d’être lavé puis réutilisé. Quant aux perfusions et autres aiguilles utilisées pour les examens et les traitements, elles sont stockées dans des poubelles ou cartons le temps de leur décroissance avant d’être acheminées vers la filière d’élimination des déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI).
« À partir du moment où on est classé et que l’on intervient en zone contrôlée, verte et jaune chez nous, il faut porter deux dosimètres . »
« Pour les déchets liquides, les urines mais aussi les eaux de rinçage du laboratoire chaud sont récupérées séparément et arrivent par canalisation directement dans des cuves disposées dans un local du deuxième sous-sol du Centre, précise Benjamin Ménard. En tout, nous avons huit cuves pour une capacité totale de stockage de 15 000 litres. Dès qu’une cuve est remplie, elle est mise en décroissance et on bascule sur une autre cuve. Elles ont été dimensionnées de manière que le temps de remplissage d’une cuve assure la décroissance de l’autre. » Et pour s’en assurer, un prélèvement est systématiquement effectué pour être analysé dans un laboratoire et vérifier que l’activité volumique de la cuve est inférieure aux limites réglementaires.
Dans le Centre François Baclesse, les équipes ne laissent donc rien au hasard en matière de radioprotection.