MILOR, une solution pour traiter des déchets radioactifs liquides par plasma thermique
Les déchets liquides organiques radioactifs ne peuvent pas être stockés en l’état. Le projet MILOR, soutenu par le programme Investissements d’avenir, a pour but de développer une filière adaptée au traitement en amont de ces déchets, en étudiant deux technologies d’incinération par plasma. Un démonstrateur a vu le jour en 2020 au CEA tandis que le projet a été récompensé en juillet 2023.
Les utilisateurs de matières radioactives, l’industrie électronucléaire, les centres de recherche, les hôpitaux ou universités, peuvent produire des déchets liquides organiques radioactifs (DLOR) : solvants d’extraction, huiles techniques, liquides scintillants pour l’imagerie médicale, molécules marquées pour la recherche, etc. Ces déchets liquides ne peuvent pas être stockés en l’état dans les centres de l’Andra, de par leur nature liquide et pour des raisons de stabilité dans les colis. Ils doivent d’abord être transformés en matières solides. La plupart du temps, ils sont incinérés dans l’installation Centraco de Cyclife France, à Marcoule (Gard), et leurs cendres sont cimentées.
Mais tous les liquides organiques ne peuvent pas être traités par cet incinérateur. En effet, certains d’entre eux contiennent une trop grande quantité de certains éléments radioactifs (par exemple le carbone 14) ou génèrent des gaz corrosifs quand ils sont incinérés (chlore et fluor par exemple). C’est pourquoi le développement de procédés autres pour traiter ces déchets figurait comme un objectif du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR).
Incinérer des déchets liquides avec un plasma
C’est à cet enjeu technologique que le projet MILOR (MInéralisation de déchets Liquides ORganiques radioactifs par voie plasma), lauréat de l’appel à projets soutenu par le programme Investissements d’avenir et accompagné par l’Andra (voir encadré), propose de répondre. Il consiste à étudier deux procédés thermiques basés sur la technologie de torche à plasma, qui produit un jet de gaz chauds à plusieurs milliers de degrés.
Dans le premier procédé, IDOHL (Installation de destruction d’organo-halogénés liquides), les DLOR sont brûlés dans un mélange gazeux par la torche à plasma. Leur incinération produit des gaz qui sont récupérés dans une colonne étanche placée en aval de la torche où ils sont piégés par de la chaux. Cette chaux peut ensuite être cimentée et conditionnée dans des colis qui peuvent être stockés dans les centres de l’Andra. Le procédé IDOHL est néanmoins limité par son débit de traitement, de l’ordre de 150 ml/h, du fait de la faible puissance du plasma (5 kW).
Dans le second procédé, ELIPSE (Élimination de liquides par plasma sous eau), la torche à plasma est immergée dans une colonne d’eau qui absorbe les gaz de l’incinération. Cette eau est ensuite filtrée pour produire deux sortes de liquides : un premier effluent compatible avec un traitement dans l’installation Centraco ou une station de traitement des effluents (STEL) ; et un autre très concentré qui pourra être cimenté et conditionné dans des colis stockables dans les centres de l’Andra. Grâce à la puissance plus élevée du plasma (45 kW), le débit de traitement d’ELIPSE peut monter jusqu’à quelques litres par heure.
« Le projet MILOR ne s’est pas contenté d’étudier le processus de minéralisation des déchets liquides, explique Hélène Nonnet, ingénieure responsable des projets d’incinération des déchets au CEA. Il embrasse la problématique dans son ensemble, depuis la destruction des liquides organiques jusqu’au colis final. »
Un démonstrateur IDOHL déjà en service au CEA
IDOHL a déjà atteint la phase de démonstration puisqu’un prototype est installé depuis mars 2021 au CEA à Saclay (Essonne) avec l’objectif de traiter des déchets radioactifs réels d’ici fin 2022. Quant à ELIPSE, le projet MILOR a montré sa faisabilité mais d’autres développements technologiques seront nécessaires avant son industrialisation.
MILOR a réuni trois partenaires complémentaires : la Direction des énergies (DES) du CEA, qui possède une expertise dans le traitement thermique des déchets ; la Direction de la recherche fondamentale (DRF), qui détient des DLOR sans filière de traitement ; et Inovertis-A3i, pour l’ingénierie des procédés. « L’un des intérêts de MILOR réside dans son potentiel commercial, précise Benjamin Frasca, en charge du suivi du projet à l’Andra. En effet Inovertis-A3I, qui a conçu l’ingénierie des procédés IDOHL et ELIPSE, a réalisé une étude de marché qui a identifié des clients, y compris à l’étranger, susceptibles d’être intéressés par ces technologies. »
29 projets innovants pour la gestion des déchets radioactifs
L’appel à projets lancé par l’Andra et l’ANR dans le cadre du programme Investissements d’avenir a pour but de faire émerger des solutions innovantes pour optimiser, en amont du stockage, la gestion des déchets radioactifs, en particulier ceux issus du démantèlement des installations nucléaires. 29 projets sont soutenus dans ce cadre. Ils portent sur quatre thématiques : la caractérisation des déchets, leur tri et traitement, les nouveaux matériaux de conditionnement, et enfin un volet sciences sociales sur l’innovation et la société.
Le procédé IDHOL primé aux prix SFEN 2023
Les prix de la Société française d'énergie nucléaire (Sfen) récompensent chaque année des travaux, des études, des mémoires ou d’autres contributions traitant de l’énergie nucléaire, de ses applications industrielles et de la sûreté
Lors de l'édition 2023, le procédé IDHOL du projet MILOR a été primé dans la catégorie « Innovation Technologique ». « Nous sommes dans la poursuite et la preuve des progrès de la filière dans le traitement de ses déchets » a souligné Jean-Bernard Thevenon, President de la section technique 16 de la SFEN, lors de la remise du prix.