Passeurs de mémoire (interview du groupe de l'Aube)
Depuis 2011, un « groupe mémoire » a été créé pour chaque site de l’Andra afin de réfléchir aux moyens de transmettre la mémoire des centres de stockage aux générations futures. Dans l’Aube, les membres du groupe démontrent par leur engagement combien la mémoire se construit au présent et d’autant mieux lorsqu’elle est incarnée. Nicole Fromont et Roger Ducousso y participent depuis plusieurs années. Témoignages croisés.
Depuis quand et pourquoi vous êtes-vous engagés dans le groupe mémoire de l’Aube ?
Nicole Fromont : J’ai intégré le groupe un peu par hasard en 2016, en me rendant à une conférence de l’Andra. Ses activités sur la mémoire me parlaient et j’étais très curieuse d’y réfléchir collectivement.
Roger Ducousso : Moi, c’était en 2013. J’ai fait pratiquement toute ma carrière de militaire dans la radiobiologie et la radioprotection, tout ce qui a trait à la radioactivité ne me laisse donc pas indifférent. Mais le sujet de la mémoire n’était pas du tout le mien : c’était un nouveau challenge.
Voilà près de dix ans que votre groupe existe : pouvez-vous nous rappeler ses missions ?
N.F. : Il s’agit de faire connaître les sites de stockage de déchets radioactifs et de pérenniser cette connaissance quand ils seront fermés. Or, on s’est aperçu que nombre de personnes ne connaissaient pas du tout le Centre de stockage de l’Aube (CSA, ndlr) ! Pour le faire connaître dès aujourd’hui et transmettre la conscience de l’existence du site aux générations futures, on imagine donc des actions ou des supports adaptés.
R.D. : Pour le CSA, notre mission est de proposer des idées puis de les mettre en oeuvre, dans le but de transmettre sa mémoire. Le principe étant que la mémoire de demain se construit aujourd’hui.
Qui compose votre groupe ? Quels sont les profils (métiers, genre, âge…) ?
N.F. : Nous sommes 11, principalement retraités, avec des profils bien différents. Je suis moi-même une ancienne secrétaire de direction. Il y a aussi une ancienne enseignante, un ancien journaliste, un ancien artisan, le président d’une association troyenne ou encore Roger bien sûr.
Pendant ces années, vous avez mené de nombreuses actions et réalisations. De quelle(s) réalisation(s) êtes-vous le plus fier (fière) ?
R.D. : L’une de nos réalisations les plus concrètes a été l’écriture de saynètes et leur lecture théâtralisée en 2019. Nous avons été aidés par Jean-Michel et Chloé. Lui est scénariste et elle comédienne. On s’est donc réunis de manière hebdomadaire pendant quatre mois pour la rédaction. Puis, on a pris le temps de faire des répétitions, car une lecture théâtralisée demande d’être incarnée.
N.F. : C’est vraiment la réalisation dont je suis la plus fière. L’une des saynètes, intitulée « L’affaire Becquerel », met par exemple en scène un procès sur la radioactivité afin d’informer sur ses origines, ses dangers mais aussi sa contribution à nombre d’activités, dans le domaine médical par exemple. Une autre, « La confrérie des lumineux », évoque les échelles de temps de la radioactivité et la nécessité de connaître la durée de vie des déchets radioactifs pour ne pas s’exposer inutilement à des risques.
Quels sont vos objectifs pour les années à venir ?
N.F. : Nous aimerions créer un « escape game » sur notre stand lors des prochaines portes ouvertes de l’Andra. Une manière d’attirer petits et grands pour apprendre et réfléchir de façon ludique au sujet de la mémoire des centres de déchets radioactifs.
R.D. : Et nous réfléchissons aussi à créer une sorte de rituel de mémoire à l’instar d’une kermesse de village. Car les fêtes de villages sont une tradition qui traverse aisément les âges. Ce serait sans doute un moyen de faire vivre la mémoire des centres de stockage et la gestion des déchets radioactifs un peu comme une « légende » locale.