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Préserver la mémoire des centres de stockage, une précaution essentielle

Conserver et transmettre aux générations futures les informations qui leur seront nécessaires sur les centres de stockage de déchets radioactifs est une démarche dans laquelle l’Andra s’est engagée depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Archives, art ou encore réseaux sociaux en ligne, autant de pistes étudiées par l’Andra.

Sans transmission de sa mémoire, qui imaginerait que cette colline est en réalité un centre de stockage de déchets radioactifs ?
Patrick Charton, responsable du programme mémoire

Mais, pourquoi est-ce si important de conserver la mémoire des lieux où sont implantés les centres de stockage ? Comment y parvenir ? Pour combien de temps ? Quelques éléments de réponses, avec Patrick Charton, en charge de la mémoire à l’Andra.

 

Conserver la mémoire pour se protéger…

Pour les centres de surface, le stockage se voit et est facilement accessible. “Et si pour une raison ou pour une autre (une guerre, une révolution, un cataclysme qui viendrait bouleverser l’économie et le gouvernement du pays), plus personne ne s’occupe d’entre tenir le site et de le surveiller, la nature reprendra ses droits et plus rien ne le distinguera d’un autre monticule. Un archéologue, un agriculteur ou une entreprise de travaux publics pourrait alors décider de fouiller, de creuser ou de raser la butte, avec un impact sanitaire non négligeable. Un problème qui ne se posera plus lorsque la radio activité de ces déchets à vie courte sera revenue à un niveau voisin du niveau naturel, après quelques siècles”, explique Patrick Charton.

Le stockage profond des déchets à vie longue est conçu de manière à rester sûr pendant 1 million d’années même en cas d’intrusion. Une intrusion par forage paraît cependant peu probable car il est assez légitime de supposer qu’on ne tombera pas par hasard sur des déchets enterrés à 500 m sous le sol.

En effet, si l’on dispose, dans le futur, des moyens technologiques de creuser facilement à cette profondeur, on peut penser qu’on aura aussi les moyens de mener des investigations préalables à partir de la surface sur ce qu’on risque de trouver en dessous ! La mémoire serait alors un plus pour diminuer cette probabilité d’intrusion.

 

… mais pas seulement !

Dans le cas du stockage profond, il s’agit aussi de répondre à une demande sociétale car il est naturel que les populations se soucient du maintien de la mémoire d’une opération qui est loin d’être anodine, ajoute Patrick Charton.

D’un côté, on craint d’oublier trop vite mais de l’autre, on sait bien, en faisant appel à notre bon sens, qu’il est illusoire de vouloir conserver cette mémoire sur plusieurs dizaines de milliers d’années. Il faut donc être modeste, et réfléchir à des solutions susceptibles d’être efficaces à l’échelle de quelques siècles, voire les premiers millénaires. Pour y parvenir, nous devons nous appuyer sur deux mécanismes de transmission de la mémoire, que sont la conservation institutionnelle d’une part, et la volonté de transmission des populations, d’autre part.”

 

Archiver les données des centres de stockage

Les institutions confrontées à une problématique de mémoire mettent en œuvre des moyens importants pour conserver un maximum de documents à travers les âges. Parmi les exemples les plus représentatifs, on peut notamment citer l’Académie française, dont les archives sont les mieux conservées en France et ce depuis son origine il y a plus de trois siècles. À l’Andra, la mémoire détaillée des centres de stockage est aujourd’hui conservée en deux exemplaires sur du papier permanent, l’un sur site et l’autre aux Archives nationales à Fontainebleau.

L’Andra travaille également sur des supports plus durables, comme la gravure d’informations sur disque en saphir.

 

Le souvenir doit aussi être porté par les populations

La volonté des hommes et des femmes de faire perdurer le souvenir est un autre vecteur essentiel de transmission de la mémoire, qui peut être particulièrement fort. “À l’Andra, nous avons beaucoup travaillé sur la conservation institutionnelle. Mais il reste encore beaucoup à faire concernant l’appropriation du projet par les populations, conclut Patrick Charton. La mémoire du stockage ne pourra en effet être conservée que si les habitants des territoires qui accueillent les centres de l’Andra s’approprient leur histoire et contribuent à sa transmission.”

 

 

 

La mémoire des centres conservée dans les archives

La mémoire détaillée des centres de stockage constitue un ensemble de documents conservés en deux exemplaires, l’un sur place, l’autre aux Archives nationales à Fontainebleau (actualisé tous les cinq ans). Toutes les informations pertinentes pour les générations futures sont ainsi consignées sur du papier permanent (papier spécial pouvant se conserver entre 600 et 1 000 ans) : plans d’implantation des ouvrages, dossiers de conception, inventaire des colis stockés et dossiers d’agrément, anomalies et modes de traitement, mais également données environnementales (état zéro préalable à l’implantation du centre de stockage, résultats de surveillance) et sociologiques qui permettront à nos successeurs de comprendre le contexte dans lequel le stockage a été construit et exploité.

L’Andra a également mis en place une mémoire de synthèse. Pour le site de la Manche, ce document abondamment illustré est d’ores et déjà accessible à tous les citoyens sur le site Internet de l’Andra. Il sera largement diffusé à toutes les personnes qui habitent dans un rayon d’au moins 50 km autour du Centre d’ici 2050.

Focus : le projet “Mémoire pour les générations futures”

Lancé en octobre dernier, le projet “Mémoire pour les générations futures” concerne douze personnes à l’Andra. Son objectif ? Réfléchir à de nouveaux moyens de transmettre aux générations futures l’information la plus variée possible, en ne se fermant aucune porte. De nombreuses pistes seront ainsi explorées, comme la construction de bâtiments dédiés à la mémoire, l’utilisation des symboles, de l’art ou même d’Internet !

La pierre de Rosette.

Le premier volet du projet concerne l’opportunité de créer plusieurs bâtiments dédiés à la mémoire. Les uns seraient dédiés à l’archivage, les autres à l’art (résidence d’artiste) ou encore à la muséographie (conservation d’objets retraçant l’histoire des stockages et leurs techniques), sans oublier l’écothèque et la géothèque, où seront conservés des échantillons de la faune, de la flore, du sol et du sous-sol des sites où sont implantés les centres.

Le deuxième volet consiste à lancer une série d’études sur des thématiques très variées. Parmi les sujets déjà identifiés : la pérennité des langues et de la symbolique ; la pérennité des supports pour écrire ou graver ; la perception des grandes échelles de temps ; l’art au service de la mémoire ; la mémoire via les réseaux sociaux en ligne ; les réflexions internationales sur ce sujet ou encore, la conservation institutionnelle des écrits, sons, images ou objets.

 

Impliquer les habitants

L’Andra prévoit en outre de mettre en place des groupes de travail sur chacun de ses sites pour impliquer les populations locales et favoriser ainsi l’appropriation du stockage et de sa mémoire. “Nous souhaiterions que d’ici 2012, chaque groupe soit constitué et qu’il ait défini les thèmes sur lesquels il souhaite travailler, précise Patrick Charton. Il faudrait idéalement que plusieurs tranches d’âge soient représentées : des jeunes d’une vingtaine d’années, des adultes actifs et des retraités, par exemple. L’objectif est de faire en sorte que dans cinquante ans, la mémoire du stockage soit portée par les riverains, ce qui lui permettra de subsister, même si l’Andra venait à disparaître.”