Projet Ci2ANum : l’apport du numérique dans la gestion des déchets radioactifs
Les technologies digitales peuvent-elles contribuer à optimiser la gestion des déchets radioactifs ? C’est la question posée par le projet de jumeaux numériques Ci2ANum(1) déployé par l’Andra dans ses centres industriels de l’Aube. À près d’un an de la clôture du projet, où en est-on ?
Lauréat de l’appel à projets du plan de relance pour l’industrie « Soutien à l’investissement et à la modernisation de l’industrie », le projet Ci2ANum explore le potentiel d’une technologie en plein essor : celle du jumeau numérique.
Son principe ? Construire la réplique virtuelle d’un bâtiment ou d’un procédé industriel et centraliser l’ensemble des données associées afin d’assurer leur accessibilité, leur fiabilité, leur traçabilité et leur mise à jour en temps réel. Le Centre de stockage de l’Aube (CSA)(2) et le Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires)(3)se sont prêtés à l’expérimentation.
Boîte à gants virtuelle au Cires
Au Cires, le projet Ci2ANum est déjà bien avancé. Un procédé industriel a été numérisé dès l’été 2022 : celui du traitement des fioles de scintillation. Ces récipients, utilisés pour conditionner des liquides contenant des radionucléides, sont en effet pris en charge au Cires en fin d’utilisation afin d’assurer leur élimination. Leur traitement est réalisé dans une enceinte confinée, appelée « boîte à gants ».
La numérisation du procédé doit permettre la construction d’une plateforme de formation en réalité virtuelle à l’usage des opérateurs de maintenance. Une version de test est prévue fin 2023. Elle servira également à faire évoluer la conception des boîtes à gants dans le but d’améliorer l’ergonomie du poste de travail. Enfin, une troisième application est à l’étude : l’optimisation du cheminement d’évacuation des opérateurs en cas d’alerte, grâce à des scénarios en réalité virtuelle.
Gagner en efficacité
Au CSA, le projet Ci2ANum s’est notamment penché sur l’activité de contrôle des colis de déchets radioactifs, qui consiste à mener des actions de surveillance contribuant à maîtriser la qualité des colis que l’Andra accepte dans ses installations. Plusieurs services de l’Andra interviennent dans cette activité et ces contrôles, et notamment le service en charge de la qualité colis et le service en charge de l’exploitation des sites industriels, ce dernier organisant l’ensemble des contrôles dans les installations des sites de l’Andra et dans des laboratoires extérieurs.
« Ces contrôles induisent de nombreux échanges dans des formats hétérogènes : papier, e-mail, fichiers Excel, etc., indique Elvina Blot, responsable du service Exploitation du CSA et du Cires. Je vois dans le projet Ci2ANum une opportunité de prendre de la hauteur sur l’organisation actuelle et de vérifier s’il est possible, grâce à la numérisation du procédé, de gagner en efficacité sur certains points, comme la transmission des données entre les différents services. En outre, la centralisation des données opérationnelles, comme les outils et ressources disponibles, pourrait faciliter la réalisation du programme de surveillance ainsi que le pilotage de l’activité au quotidien. » Toutes ces informations seront bientôt disponibles en temps réel sur un « hyperviseur », une interface de restitution de données. Une première version sera testée à l’automne 2023 en vue d’un déploiement courant 2024.
Un chantier similaire est prévu au laboratoire d’analyses du CSA, qui effectue des mesures radiologiques d’échantillons environnementaux (eaux souterraines et pluviales, air, végétaux, etc.) prélevés autour et à l’intérieur du Cires, du CSA et du Centre de stockage de la Manche (CSM). Là encore, les saisies papiers pourraient être avantageusement remplacées par une approche numérique qui assurerait la fiabilité et la traçabilité des données. Un hyperviseur sera testé puis déployé selon le même calendrier que pour le contrôle colis.
Simulation numérique
Enfin, c’est un jumeau numérique d’un malaxeur du CSA qui est en cours de conception. Cet énorme cylindre de 2 mètres de diamètre sur 80 centimètres de hauteur sert à mélanger le béton qui enrobe certains colis de déchets radioactifs avant leur stockage.
En service depuis la création du site en 1992, cet équipement stratégique doit être remplacé en 2024. Une opération complexe que l’Andra prépare depuis près de deux ans ! « Il est impossible de sortir le malaxeur du bâtiment sans le démonter en plusieurs morceaux, explique Jimmy Lambert, chargé d’affaires au service Maintenance du CSA. Et, même dans ce cas, il faudra certainement élargir des portes et créer de nouvelles ouvertures. Au lieu de réaliser une maquette à l’échelle 1 en polystyrène pour simuler l’évacuation et de réitérer l’opération après avoir procédé aux travaux de génie civil, nous allons nous appuyer sur la modélisation numérique du malaxeur pour simuler le démantèlement et anticiper tous les points de blocage. Nous espérons ainsi minimiser le temps d’indisponibilité de l’équipement. Nous en profiterons pour réorganiser le local où il se trouve afin de faciliter les opérations de maintenance. »
La modélisation du malaxeur et du local devrait s’achever avant fin 2023 pour permettre la mise en service du nouvel équipement fin 2024. À cette date s’achèvera également le projet Ci2ANum. Entre-temps, l’équipe projet aura rédigé un Livre blanc présentant les retours d’expériences des différents chantiers, la valeur ajoutée du jumeau numérique ainsi que des propositions pour l’après-projet.
(1) Projet collectif porté par l’Andra et s’appuyant sur l’expertise d’Assystem, ATFF, ATIS.cloud, Human Games et SPARTE. L’acronyme Ci2A signifie « centres industriels de l’Andra dans l’Aube ».
(2) Dédié au stockage des déchets radioactifs de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC).
(3) Dédié au stockage des déchets de très faible activité (TFA) ainsi qu’au regroupement, au tri-traitement et à l’entreposage de déchets radioactifs issus d’activités non électronucléaires.
Le CSA en 3D
Au CSA toujours, un modèle 3D du site doit être réalisé pour faciliter l’étude de différentes options dans le cadre de la conception de nouveaux ouvrages de stockage, de la construction de nouveaux bâtiments ou de la modification de bâtiments existants. L’acquisition de données a été réalisée avec succès à l’été 2023 à l’aide d’un drone et d’un LiDAR (une méthode de télédétection sous forme de capteur laser).
