Une solution pour ausculter le béton sans le détruire
Organisé en deux éditions, en coopération avec l’ANR(1), et soutenu par le programme Investissements d’avenir, l’appel à projets Andra a permis de sélectionner, entre 2014 et 2016, 29 projets visant à encourager l’innovation en matière de gestion des déchets radioactifs de démantèlement. DCND (Dynamique et Contrôles Non Destructifs), l’un de ceux qui ont été retenus, propose une solution pour ausculter le béton sans l’endommager et détecter ainsi d’éventuelles fissures dans les structures à démanteler ou les conteneurs de déchets radioactifs.
Afin d’assurer la réalisation des opérations de démantèlement en toute sécurité, il est nécessaire de connaître l’état d’intégrité des structures en béton à déconstruire. « Le projet DCND permet d’avoir un état de santé du béton, et donc de savoir s’il y a des fissures et/ou des risques de fissuration », explique Sylvie Lesoille, ingénieur à la direction R&D de l’Andra.
Particularité de la méthode DCND : les contrôles sont effectués sans avoir à endommager le béton. Pour cela, les trois laboratoires(2) partenaires du projet ont développé une technique innovante qui repose sur l’utilisation des ultrasons, à la manière des échographies pour les femmes enceintes. « C’est un outil essentiel en amont d’un démantèlement lorsque l’on envisage le découpage du béton par exemple. Nous pouvons ainsi savoir s’il y a un risque d’effritement », poursuit Sylvie Lesoille. Les analyses permettront de fournir des données nécessaires pour savoir si le béton est capable de résister aux efforts qui lui seront appliqués pour le manipuler lors du démantèlement. « À terme, cette méthode de contrôle devra conduire à l’estimation de la position, mais aussi de la taille et de la nature, des fissures présentes dans le béton », précise-t-elle.
La bonne vibration
Les contrôles non destructifs effectués dans le cadre du projet DCND reposent sur une méthode innovante. « Elle consiste à faire vibrer la structure (“dynamique”) et à voir l’évolution de cette vibration soit dans le temps, soit en différents points de la structure (“contrôle non destructif”). On peut prendre l’exemple d’une cloche : si elle est fissurée, le son se modifie, ce qui alerte d’un problème », explique Vincent Garnier, coordinateur du projet au Laboratoire de mécanique et d’acoustique du CNRS et à l’Université d’Aix-Marseille.
Originalité du projet : l’utilisation des ondes électromagnétiques et électriques en plus des ondes sonores. « Nous étudions les effets de la vibration mécanique sur les ondes électromagnétiques et sur les champs électriques. Cela n’a été fait nulle part ailleurs. La complémentarité de ces méthodes d’analyse des structures du béton va multiplier par dix la sensibilité à l’endommagement et donc permettre des contrôles précoces et précis », annonce Vincent Garnier.
Des applications diverses
Pour l’Andra, ces contrôles non destructifs pourraient trouver d’autres applications, au-delà des opérations de démantèlement. Par exemple, servir à contrôler les conteneurs de colis de déchets radioactifs avant leur stockage tout en évitant de les endommager. « C’est également envisageable dans le cadre du projet Cigéo pour ausculter les infrastructures en béton à l’aide d’un robot équipé de la technologie DCND », précise Sylvie Lesoille. Une méthode qui pourrait également être déployée en dehors du secteur nucléaire puisque les contrôles non destructifs du béton sont extrêmement utiles dans d’autres domaines, comme le génie civil.
(1) Agence nationale de la recherche.
(2)Le Laboratoire de mécanique et d’acoustique du CNRS et de l’Université d’Aix-Marseille, le Laboratoire matériaux et durabilité des constructions de l’Université Paul Sabatier de Toulouse et l’Institut de mécanique et d’ingénierie de l’Université de Bordeaux.