Histoire d'une naissance
Retour sur la genèse du Centre de stockage de la Manche et ses premiers pas.
L’essor de l’industrie atomique
Les années 1950-1960 ont été marquées par un développement de la production nucléaire d’électricité en France. Dès 1945, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) est créé par le général de Gaulle avec pour vocation de poursuivre les recherches scientifiques et techniques entreprises avant la guerre, en vue d’utiliser l’énergie atomique dans divers domaines de l’industrie, de la science et de la défense nationale.
Cette volonté politique s’est traduite par le déploiement de programmes d’envergure, militaires puis civils à partir de 1958 avec la construction des premières centrales de production d’électricité : Brennilis, Chinon, Saint-Laurent-des-Eaux et Bugey.
Des idées aux actes
Jusqu’au début des années 1960, le volume des déchets radioactifs n’était pas très important. Placés sous la responsabilité des industriels, ils étaient conservés sur les lieux même de leur production. Mais le développement de l’industrie et de la recherche nucléaires rend inévitable l’accroissement des déchets issus de ces activités. Rapidement, les autorités prennent conscience de la situation : anticiper la gestion des déchets présents et surtout ceux à venir devient une nécessité.
En 1964-1965, une enquête est organisée par le CEA afin de recenser au plan national les quantités existantes et de prévoir celles qui seront produites, avec des projections sur plusieurs dizaines d’années. Plusieurs pistes pour la gestion de ces déchets sont étudiées, comme leur immersion en mer (cf. encadré). Ces études aboutissent à la décision de créer un centre de surface permettant de rassembler et de stocker l’ensemble des déchets radioactifs de faible et de moyenne activité du territoire, en provenance des usines de traitement, des centres de recherche, des centrales nucléaires, des laboratoires, des hôpitaux.
Le décret du 19 juin 1969 officialise la mise en service du Centre de stockage de la Manche (CSM) qui est implanté sur un terrain de 14 hectares appartenant au site industriel du CEA à La Hague. L’exploitation est confiée à Infratome, un opérateur privé placé sous le contrôle du CEA.
L'immersion des déchets en mer : une solution expérimentatale
À partir de 1946, l’immersion des déchets radioactifs en mer est pratiquée par plusieurs pays. Elle était considérée par la communauté scientifique internationale comme une solution appropriée, au motif que le milieu marin apportait des garanties suffisantes en matière de dilution et de durée d’isolement de la radioactivité. En 1967 et en 1969, la France participe à titre expérimental à deux campagnes d’immersion coordonnées par l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN). 14 200 tonnes de déchets provenant du site nucléaire du CEA Marcoule sont immergées à 4 000 mètres de profondeur au large de l’Espagne et de la Bretagne. La France ne retiendra pas l’immersion comme solution de gestion et ne participera pas aux autres campagnes. Elle optera avec la création du CSM pour le stockage de surface. En 1993, sur la base de critères moraux, sociaux et politiques, les signataires de la convention de Londres(1) décident d’interdire l’immersion en mer pour tout type de déchets radioactifs.
(1)La « Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets », communément appelée Convention de Londres est un traité international sur le contrôle de la pollution des mers par immersion de déchets, ratifié par 15 pays et entré en vigueur en 1975.
En 1993, elle compte 71 pays signataires.
Premiers pas
Une succession de défis
Tout était à concevoir sur ce morceau de terrain : la construction des infrastructures, des bâtiments dédiés au personnel, l’installation des équipements, notamment une presse à compacter les fûts pour optimiser la surface de stockage et une centrale à béton pour fabriquer l’enrobage des fûts compactés et le liant des ouvrages.
C’est dans ce contexte que les premiers colis de déchets conditionnés et acheminés par les producteurs (au début principalement des centres de recherche du CEA), furent accueillis sur le site. Un vrai défi pour les équipes ! Pas de plan préétabli pour la surface de stockage qui fut gérée au fur et à mesure des arrivages, en commençant par le nord du terrain.
Des techniques en constante amélioration
Les techniques de stockage ont été élaborées et perfectionnées progressivement. Le stockage des colis de déchets, d’abord effectué dans des tranchées en pleine terre, a été remplacé dès l’année suivante, 1970, par des méthodes plus abouties : les colis ont été soit empilés de façon pyramidale sur des plateformes ceintes de béton appelées « tumulus », soit confinés dans des tranchées aux cases bétonnées et recouvertes de bitume, et qui annoncent les premiers « monolithes », pour les déchets nécessitant une protection supplémentaire.
La collecte des eaux a fait l’objet d’une amélioration constante afin de protéger l’environnement : des premiers puisards implantés au fond des tranchées à la conception d’un réseau spécifique destiné à recueillir séparément les eaux infiltrées et les eaux pluviales, l’ancêtre du réseau séparatif gravitaire enterré (RSGE) actuel.