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La sûreté des centres de stockage : prendre en compte tous les risques

Comment faire en sorte qu’un centre de stockage où sont stockés des déchets radioactifs, ne présente pas de risque pour l’homme et pour l’environnement, ni aujourd’hui, ni demain ? Cette notion de sûreté est au cœur même du métier de l’Andra. Dès lors, comment s’assurer que tous les risques ont bien été pris en compte ? Les explications de Fabrice Boissier, directeur de la maîtrise des risques à l’Andra.

Fabrice Boissier, directeur de la maîtrise des risques

La sûreté, c’est l’ensemble des dispositions mises en œuvre par l’Andra pour garantir que les centres dans lesquels sont stockés les déchets radioactifs protègent les travailleurs, les riverains et l’environnement contre la dangerosité de ces déchets.

C’est justement la dangerosité de ces déchets qui a conduit le Parlement à créer l’Andra avec comme seule mission de les mettre en sécurité, rappelle Fabrice Boissier. La sûreté est donc notre raison d’être et notre seul objectif.

 

Identifier tous les risques…

La première étape d’une démarche de sûreté consiste à identifier tous les risques. “À cet égard, un centre de stockage ne présente pas les mêmes risques qu’une centrale nucléaire, précise Fabrice Boissier. Notre activité consiste à recevoir des colis de déchets qui sont des boîtes fermées et à les mettre dans des enceintes confinantes, sans qu’il y ait d’intervention directe sur la matière radioactive. C’est donc essentiellement de la manutention de colis. Cela ne nous dispense pas de prendre en compte tous les risques liés à cette activité – chute de colis, agressions externes (séisme, inondation), risque incendie, risque d’intrusion… – et de dimensionner nos installations en conséquence. La démarche de sûreté va nous permettre de vérifier que toutes les possibilités d’incidents ou d’accidents ont été prises en compte et qu’on a mis en place des mesures concrètes pour les prévenir et anticiper les conséquences si un accident venait, malgré tout, à se produire.”

 

… avant, pendant et après l’exploitation

Cette démarche démarre dès la conception de l’installation, se poursuit pendant son exploitation et après sa fermeture. Dans le choix du site et la conception des infrastructures d’abord : on met en place toutes les dispositions pour diminuer les risques au maximum. Pendant l’exploitation ensuite : on vérifie que les dispositions prévues sont efficaces en surveillant en permanence l’installation et l’environnement et en prenant en compte le retour d’expérience : si un incident a eu lieu, comment l’éviter à l’avenir ? Comment mieux le gérer ?

Après la fermeture enfin : le principe du stockage repose sur des barrières successives pour confiner la radioactivité (le colis, dans lequel est contenu le déchet, puis l’ouvrage dans lequel est stocké le colis, et enfin la couche géologique dans laquelle le centre a été implanté) de manière à ce que la sûreté soit assurée de manière passive, c’est-à-dire sans nécessité d’actions humaines, après la fermeture du site.

 

De multiples évaluateurs et une interrogation permanente

L’Andra ne travaille pas toute seule. “En tant qu’exploitant, nous sommes les premiers responsables de la sûreté de nos installations. Mais notre démarche est soumise à de multiples évaluateurs, au premier chef desquels l’Autorité de sûreté nucléaire, qui n’autorise la création d’une installation que si elle considère que la sûreté est garantie”, précise Fabrice Boissier, qui conclut : “Il faut avant tout garder une certaine humilité. Le risque zéro n’existe pas et il peut toujours y avoir quelque chose qui ne se passe pas comme prévu. Ce constat impose une double précaution. La première consiste à privilégier toujours des moyens robustes, les plus simples possible, pour garantir la sécurité. La seconde consiste à conserver en permanence une attitude toujours interrogative par rapport à la sûreté et à se demander systématiquement si notre manière de travailler est bien la plus sécurisante possible. On reste ainsi très attentif aux signaux faibles que constituent les presqu’accidents ou les anomalies même s’ils n’ont pas de conséquence. C’est une question de culture, que nous partageons avec l’ensemble de nos prestataires."

 

3 questions à... Fabien Schilz (ASN)

Fabien Schilz, directeur de la direction des déchets, des installations de recherche et du cycle (DRC) à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Le Journal de l’Andra (JdA) : Quel rôle joue l’ASN dans la sûreté des centres de stockage ?

Fabien Schilz : L’ASN est une autorité administrative indépendante, notamment des exploitants et du gouvernement. Notre rôle est de contrôler la sûreté d’une installation nucléaire, dès sa conception, pour autoriser ou non sa création ; pendant sa construction, en vue d’autoriser ou non sa mise en service ; puis tout au long de son exploitation, via notamment des prescriptions et des inspections ; et enfin après sa fermeture, pendant la phase de surveillance. Notre feu vert est indispensable à chacune de ces étapes.

 

JdA : Comment évaluez-vous la sûreté d’une installation ?

F. S. : Dans son dossier de demande d’autorisation de création, l’exploitant doit nous remettre un certain nombre de documents comme le rapport préliminaire de sûreté, l’étude de maîtrise des risques, le plan de fermeture et de surveillance et l’étude d’impact de l’installation sur l’environnement. Le principe, c’est que l’exploitant doit démontrer que son installation est sûre et qu’il a tout mis en place pour minimiser ses impacts sur l’environnement. Notre rôle est de nous assurer que sa démonstration est suffisamment étayée et robuste, qu’il a bien pris en compte toutes les hypothèses, envisagé tous les scénarios d’accidents, en prenant des marges suffisantes et en tenant compte des incertitudes.

L’instruction du dossier prend environ trois ans, pendant lesquels nous nous appuyons principalement sur des experts de l’IRSN mais aussi de l’Ineris (pour le risque chimique plus “classique”) ou encore de notre groupe permanent d’experts déchets(1), que l’on saisit systématiquement sur les dossiers importants de l’Andra.

 

JdA : Comment le contrôle se poursuit-il pendant l’exploitation ?

F. S. : Outre les inspections régulières, programmées ou inopinées, nous refaisons un point complet au moment du réexamen de sûreté de l’installation, qui a lieu tous les dix ans. Il s’agit de vérifier si celle-ci est toujours conforme à son référentiel et que, par exemple, le vieillissement n’a pas dégradé les performances de certains matériels. Nous demandons aussi à l’exploitant d’améliorer encore la sûreté de son installation, c’est la “réévaluation de sûreté”, en s’appuyant sur son propre retour d’expérience, mais aussi sur des innovations mises en oeuvre ailleurs, en France ou à l’international.

Enfin, la fermeture du centre et le passage en phase de surveillance font aussi l’objet d’une autorisation. Car la particularité d’une installation de stockage, c’est qu’elle n’est pas démantelée. Une fois fermée, elle entre dans une phase de surveillance qui va durer plusieurs centaines d’années. Nous nous assurons que l’Andra continue de surveiller son installation même après sa fermeture. Nous exigeons que la sûreté soit garantie sur le très long terme sans que cela nécessite d’action humaine. Cela intègre aussi la préservation de la mémoire de l’installation, et la prise en compte du risque d’intrusion en cas d’oubli. Autant d’aspects étudiés dès la conception, mais sur lesquels nous serons aussi particulièrement attentifs au moment de délivrer l’autorisation de fermeture d’un stockage.

 

(1)Pour l’accompagner dans ses prises de décision, l’ASN s’appuie sur sept groupes permanents d’experts chacun leur expertise propre. Les dossiers de l’Andra sont plus spécifiquement suivis par le groupe permanent déchets, qui rassemble des spécialistes des domaines nucléaire, géologique et minier.