Le Laboratoire souterrain ouvre ses portes aux spécialistes mondiaux du stockage… de CO2 !
Le 5 juin dernier, l’Andra a accueilli dans ses installations du Centre de Meuse/Haute-Marne une vingtaine de participants d’un séminaire organisé à Nancy par ECCSEL(1), l’infrastructure de recherche européenne sur le captage et le stockage du CO2. L’occasion de leur présenter les expérimentations menées au Laboratoire souterrain de l’Andra et de les inviter à réfléchir à celles qui pourraient y être réalisées pour nourrir la recherche sur le stockage du CO2 en vue de l’atténuation du changement climatique.
Les explications d’Isabelle Czernichowski-Lauriol, spécialiste du stockage géologique du CO2 au BRGM(2) et coordinatrice du groupe français d’ECCSEL.
En quoi consistent le captage et le stockage du CO2 ?
Le captage et le stockage de CO2 dans le sous-sol sont aujourd’hui étudiés pour atténuer le changement climatique (lire encadré). Concrètement, cela consiste à remettre le carbone dans le sous-sol d’où il a été extrait (charbon, pétrole et gaz dont la combustion génère du CO2), pour éviter de le rejeter dans l’atmosphère. Cela nécessite de faire appel à tout un assemblage de technologies pour capter le CO2 émis par les industries, puis le stocker dans le sous-sol. C’est un moyen prometteur pour réduire les émissions résiduelles incompressibles de CO2 et même pour retirer du CO2 de l’atmosphère, comme le souligne le GIEC(3).
Qu’est-ce qu’ECCSEL ?
ECCSEL est une infrastructure de recherche européenne sur le captage et le stockage géologique du CO2. Elle met à disposition des chercheurs des plateformes de recherche des cinq pays fondateurs : la Norvège, la France, l’Italie, le Pays-Bas et le Royaume-Uni. Impliqué de longue date sur le sujet du stockage géologique du CO2, le BRGM a beaucoup œuvré pour que la France intègre cette infrastructure et en pilote aujourd’hui l’entité française, labélisée « infrastructure de recherche nationale » par le ministère de la Recherche. Elle rassemble six organismes ouvrant l’accès à leurs plateformes de recherche : le BRGM bien sûr, mais aussi la direction de la R&D de l’Andra, l’Ineris, IFP Energies nouvelles, EDF et Total.
Pourquoi l’Andra est-elle impliquée ?
Le CO2 est stocké à plus de 800 m de profondeur dans les pores d’une roche « réservoir », perméable et poreuse, de type grès ou calcaire. Il faut qu’il y ait au-dessus de ce réservoir une roche argileuse imperméable qui empêche sa remontée vers la surface. À ce titre, le Laboratoire souterrain de l’Andra, situé à 500 mètres sous terre dans une couche argileuse, s’avère particulièrement intéressant ! Il permet de se rapprocher des conditions réelles, pour étudier par exemple l’étanchéité de cette roche ou encore évaluer les risques éventuels de fuites au niveau d’un forage. C’est ce qui nous a amenés à prendre contact avec l’Andra en 2015. L’Agence avait de son côté la volonté d’ouvrir son laboratoire de recherche à d‘autres applications que le stockage des déchets radioactifs. Via ECCSEL France, elle met ses installations à la disposition de la communauté scientifique.
Quel était l’objectif de la visite du Laboratoire souterrain ?
L'initiative mondiale Mission innovation lancée lors de la COP 21 a publié il y a un an un rapport sur les besoins de recherche pour accélérer la recherche pour le déploiement des technologies de stockage du CO2, soulignant le rôle important des laboratoires souterrains. Cela nous a conduits à organiser les 5 et 6 juin dernier un séminaire international à Nancy sur ce thème en y intégrant une visite des installations de l’Andra. L’occasion de faire découvrir aux chercheurs du monde entier le Laboratoire souterrain de l’Andra et de les inviter à tirer profit de cette installation exceptionnelle pour nourrir leurs propres recherches.
(1)European Carbon dioxyde Capture and StoragE Laboratory
(2)Bureau de recherches géologiques et minières
(3)Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
Capter et stocker le CO2 pour réduire le réchauffement climatique
Le captage et le stockage de CO2 sont une des mesures clés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle est évoquée par le GIEC et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans tous les scénarios visant à ne pas dépasser 1,5 °C de plus à l’échelle de la planète. Un premier volet de recherche concerne le captage. Il vise à récupérer le CO2 au niveau des cimenteries, des incinérateurs ou de toute autre installation industrielle via un traitement spécifique des gaz et des effluents avant que ces derniers ne soient dispersés dans l’atmosphère. Plusieurs technologies de captage sont déjà mises en œuvre à l’heure actuelle. Le deuxième volet consiste à étudier les moyens de stocker en toute efficacité et sécurité le CO2 dans le sous-sol. Enfin, un troisième volet porte sur le transport du CO2 entre le site de captage et celui de stockage. Plusieurs solutions sont étudiées : canalisations, bateau, camion, etc.
Lancées il y a 25 ans, les recherches sur ce thème ont abouti à 18 projets opérationnels à grande échelle dans le monde aujourd’hui, dont deux sous la mer du Nord en Europe.